En 1916, un lycéen d'Europe devait pouvoir expliquer pourquoi  "dulce et decorum est pro patria mori",  il est doux et beau de mourir pour la patrie.

Agé de 17 ans, l'élève Eugen Berthold Brecht, requis de développer ce sujet de dissertation, obtint la note insuffisante de 4/20.

Douze ans plus tard (et trois après la pièce Homme pour Homme ), il écrivait L'Opéra de quat'sous.

 

" Cela fait partie de leur dispositif de plonger dans une fange repoussante tout ce qui a fait notre grandeur (...) ; cela fait partie de leur dispositif d'annihiler tout ce que le peuple (...) possède de bravoure, de virilité, de sens du devoir, d'obéissance, de joie du sacrifice, précisément au moment où il a tant besoin qu'on l'aide à se rétablir."

Deutsche Tageszeitung, 1920, à propos de la Foire Internationale Dada,
cité par Wieland Herzfelde, dans Ralph JENTSCH, George Grosz, Pandora Publisher, 2013.

 

 

Ce site a principalement pour  objet la présentation de L'Opéra de quat'sous, comédie musicale de Bertolt Brecht, Élisabeth Hauptmann et Kurt Weill, une des oeuvres majeures de l'Allemagne de Weimar, et du théâtre du 20ème siècle.

 

Cruk

Cabaret dans l'opéra, le song de Jenny des pirates est aussi une mise en abyme de L'Opéra de quat'sous.  
[© MuTphoto / B. Braun]

 

 

« Strehler demande si Brecht pourrait proposer des moyens capables de donner en 1955 à L'Opéra de quat'sous la même force artistique et la même force critique qu'en 1928. Brecht répond qu’il rendrait plus aigus et plus mauvais les masques des criminels. Il faudrait sans doute chanter aussi bien que possible les chansons romantiques, mais en soulignant au maximum l’artifice et le mensonge de « cette tentative de création d'une île romantique où tout serait encore harmonieux ».

Conversation entre Bertolt Brecht et Giorgio Strehler, octobre 1955. Notes prises pendant la discussion par H-J. Bunge. Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni. Dans Théâtre en Europe n° 12, Octobre 1986, p.51.


 

Schweyk (1943)

Étude de Schweyk dans la deuxième guerre mondiale 

Antigone (1947)

Antigone, quelques notes

Quelques résumés

 

                                                                                                  

Etude d'oeuvres diverses

 

 

                                                                            

 

 

                      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1898

10 février : naissance de Eugen Berthold Friedrich Brecht, à Augsbourg (Souabe bavaroise). On l'appellera Eugen jusqu'en 1916.

Famille bourgeoise, son père exerce une fonction dirigeante dans une fabrique de papier. Père catholique, mère protestante. Il sera élevé dans la religion protestante.

Santé fragile, problèmes cardiaques.

A l'école, éducation traditionnelle de l'époque : nationalisme fondé sur la religion.

   
1913 A 15 ans, écrit une pièce en un acte, La Bible, où il évoque la guerre de Trente ans (1618-1648). La Bible sera une référence majeure de son œuvre, la guerre de Trente ans fournira le cadre de Mère Courage.    
1914-1916 Brecht écrit des poèmes patriotiques, publiés à Augsbourg et Munich, qui font l'éloge de l'héroïsme militaire.
A partir de 1916, sa vision de la guerre change. Ecoeuré par les souffrances, aussi cruelles que vaines, imposées à la jeune génération, il rejette  vivement le militarisme "benêt", fondé sur des discours lyriques et idéalistes.
   

1916

Janvier. Dans une dissertation donnée par son professeur de latin, "Dulce et decorum est pro patria mori" ("Il est doux et beau de mourir pour la patrie"), il critique la notion de mort héroïque et s'en prend à la propagande. Ses professeurs sont scandalisés. Désormais, la guerre sera un des thèmes majeurs de son œuvre.

Il compose les premiers Sermons domestiques.

  On pense à L'Eveil du printemps, – Melchior Gabor face à l'assemblée des professeurs.


Toute sa vie, Brecht écrira sur la guerre.
Extrait de : Bertolt BRECHT, L'ABC de la guerre, Paris, L'Arche, 2015 [paru en 1955], p.67.
Six généraux (von Bock, Sperrle, von Runstedt, Rommel, Guderian, List).

 

Commentaire de Brecht :

" Voilà six tueurs. Ah, ne partez pas d'ici
En hochant la tête et lâchant un vague "Certes" :
Les démasquer ne nous coûta pas moins
de cinquante villes et une génération ".

   
1917 A l'automne, Brecht entreprend des études de philosophie, puis de médecine (mars 1918), à l'Université de Munich. Il met tout en œuvre pour échapper au front.  
1918 A Munich. Ne s'intéresse pas à la guerre. Enthousiasmé par le théâtre de Frank Wedekind.

Octobre. Mobilisé, il échappe au front. Garde-malades dans un hôpital militaire d'Augsbourg, il bénéficie d'un traitement privilégié.

Nombreux textes écrits entre 1918 et 1923.

 

1919

16 Janvier : assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg. Brecht s'intéresse de très près au mouvement spartakiste. Celui-ci sera violemment réprimé, notamment à Munich et Augsbourg, avec l'aide des "corps francs" (unités de volontaires).

L'actualité fournit à Brecht les matériaux pour une pièce politique : Spartakus (Tambours dans la nuit).  Toutes les œuvres de cette époque cherchent à réfléchir la situation nouvelle de l'individu et de la civilisation après la sauvagerie de la première guerre mondiale.

Juillet : naissance de son fils Frank Wedekind (!), - la mère est Paula Banholzer.

 
1920 Entre Augsbourg, Munich et Berlin (premier voyage à Berlin). A Munich, il anime des cabarets et fréquente l'humoriste Karl Valentin.

Rédaction des "Psaumes" des Sermons domestiques.

   
1922 13 novembre : à 24 ans, reçoit le très convoité Prix Kleist pour ses pièces Tambours dans la nuit (Spartakus), Baal et Dans la jungle des villes.

Epouse Marianne Zoff.

   
1923 12 mars : Naissance de sa fille Hanne (Hanne Hiob, dont la mère est Marianne zoff).

Novembre, à Munich : une représentation de Dans la jungle des villes est interrompue par des miliciens d'extrême droite.

Novembre 1923, à Munich : c'est aussi le "putsch de la brasserie".

"Mahagonny ("acajou" - les chemises brunes) arrive, je pars." Brecht quitte Munich pour Berlin.

   

1924


18 mars, à Munich, première représentation de La vie d'Edouard II d'Angleterre, d'après Marlowe. Ecrit avec Lion Feuchtwanger, mise en scène de Brecht. Première ébauche de techniques "épiques", dans le récit distancié d'une vie.

Installation définitive à Berlin (dramaturge au Deutsches Theater). Vit avec Helene Weigel, talentueuse actrice viennoise, qu'il a rencontrée en 1923. Il en aura deux enfants (Stefan, né le 3 novembre 1924 et Barbara, née en1930). Helene Weigel sera la compagne de toute une vie, Brecht l'épouse en 1929.

Novembre : rencontre Elisabeth Hauptmann, qui deviendra une de ses principales collaboratrices (Bess). Très cultivée, de mère américaine, elle a une excellente connaissance des littératures anglaise et américaine. En 1925, elle travaillera avec lui sur "Galy Gay", traduisant des vers de Kipling (par exemple Soldiers Three).

   
1925 Rencontre avec le dessinateur et peintre George Grosz    
1926 Dans une interview, Brecht utilise pour la première fois en public l'expression "théâtre épique".
Il commence à lire Marx.
   

1927

Printemps : rencontre le compositeur Kurt Weill (1900-1950), avec qui il travaille sur les  Chants de Mahagonny ("Mahagonny Songspiel", donné pour la première fois en juillet de la même année au festival de Baden-Baden).

Brecht collabore avec le metteur en scène Erwin Piscator. Il fait partie du collectif qui adapte pour la scène les Aventures du brave soldat Schwejk de Jaroslav Hasek. Le spectacle, fameux, mis en scène par Piscator, avec des projections de dessins de George Grosz, sera donné pour la première fois le 23 janvier 1928.

Brecht met en place un "comité de rédaction" composé d'Elisabeth Hauptmann, Margarete Steffin, Emil Burri et Slatan Dudow. La plupart de ses oeuvres seront écrites en collaboration.

   

1928

Jusqu'au printemps, Brecht et Weill travaillent le livret de Mahagonny.

En mars, début du travail sur L'Opéra de quat'sous.

L'acteur et directeur de théâtre Ernst-Jozef Aufricht recherche un spectacle d'ouverture pour le Theater am Schiffbauerdamm. Brecht lui propose l'adaptation du Beggar's Opera de John Gay, qu'Elisabeth Hauptmann a traduit en 1926.

Brecht, Weill et Hauptmann commencent à travailler le livret en avril-mai 1928. En mai-juin, ils se retirent  à Saint-Cyr-sur-Mer (Sud de la France), où ils travaillent d'arrache-pied.

Les répétitions commencent le 10 août. Première représentation le 31 août.

Succès considérable ; la pièce connaîtra rapidement une renommée mondiale. 4200 représentations en 1928-1929. Entre 1929 et 1933, l'oeuvre est traduite dans 18 langues – 10000 représentations en Europe.

   

1928-1929

Encouragé par le philosophe Walter Benjamin, Brecht approfondit l'œuvre de Marx. Élaboration progressive de la théorie du théâtre épique.

   
1930 Naissance de sa fille Barbara    
1932 Amitié avec Margarete Steffin    
1933

30 janvier : Hitler devenu chancelier. Brecht décide, comme Weill, Eisler, et tant d'autres, de s'exiler. L'exil, pour lui, durera 14 années.

Il quitte Berlin le 28 février (lendemain de l'incendie du Reichstag).
Ses oeuvres sont interdites et brûlées (le 10 mai 1933) par les nazis.

   
 1933-1939 Déchu de la nationalité allemande, Brecht vivra successivement à Prague, Vienne, Paris, Zurich. Puis 8 années en Scandinavie.
Il s'installe à Copenhague (1933-1939), ensuite (1939) en Suède.
   
1940 En Finlande.    
1940-1945 Brecht, sa famille, Ruth Berlau et Margarete Steffin quittent la Finlande (mai 1941) pour les États-Unis. Margarete Steffin meurt en route, à Moscou (juin). 

Brecht s'installe aux États-Unis (à Santa Monica, près de Hollywood). Il y restera jusqu'en 1947.

Rencontre, entre autres, Charlie Chaplin. Rencontre d'autres émigrés allemands (Fritz Lang, Schönberg, Thomas Mann, Adorno,  Piscator, Grosz, etc.).

1943 (13 novembre) : mort de son fils Frank, sur le front russe.

   
1947 31 juillet : première de La vie de Galilée à Beverley Hills.
30 octobre : Brecht comparaît devant la Commission des activités anti-américaines (institution-clé du maccarthysme), à Washington.
Le lendemain, il quitte les États-Unis pour la Suisse.
   
 1948 En Suisse (Zurich). Envisage un moment de s'installer en Autriche, mais s'installe finalement à Berlin-Est (juin 1949).     
 1949 A Berlin-Est, fondation par Brecht et Helene Weigel du Berliner Ensemble. Relations contradictoires avec le gouvernement est-allemand. Vitrine du régime, le Berliner Ensemble travaille suivant une esthétique à l'opposé du réalisme socialiste.     
 1949 Le bureau central du SED (Sozialistiche Einheit Partei) supprime les oeuvres de Brecht des ouvrages destinés à l'enseignement secondaire.     
 1953 Soulèvement populaire à Berlin-Est. Brecht envoie une lettre aux autorités. Elle sera publiée, mais partiellement, - ce qui en déformera le sens - dans le journal du parti communiste.     
 1954 19 mars : inauguration du théâtre Am Schiffbauerdamm (avec Dom Juan de Molière). 

Juin : Le Berliner Ensemble à Paris, au Festival International de Théâtre (Mère Courage et La cruche cassée de Kleist). Grand succès. Nombreux articles de Roland Barthes et Bernard Dort à son propos dans la revue Théâtre populaire.
   
 1955

 Nouvelle tournée à Paris du Berliner Ensemble (Le cercle de craie caucasien et  Mère Courage).

25 octobre : rencontre-entretien de Brecht avec Giorgio Strehler, qui prépare une mise en scène de L'Opéra de quat'sous. Brecht assistera à la première, en février 1956.

   
 1956 14 août, à Berlin-Est, Brecht meurt d'un infarctus.     

 

 

 

A l'occasion du premier passage en France du Berliner Ensemble (1954), Roland Barthes et Bernard Dort furent parmi les premiers critiques français à souligner l'importance de "la révolution brechtienne". Au cours des années qui suivirent, ils publièrent dans la revue Théâtre populaire plusieurs articles importants consacrés à Brecht. On trouvera ci-dessous quelques passages d'articles de Barthes datant de cette époque, ainsi que des extraits empruntés à l'ouvrage important publié en 1960 par Bernard Dort sous le titre Lecture de Brecht. 

 

Nature de la "révolution brechtienne" (Roland BARTHES)

" Or, un homme vient, dont l'œuvre et la pensée contestent radicalement cet art à ce point ancestral que nous avions les meilleures raisons du monde pour le croire "naturel" ; qui nous dit, au mépris de toute tradition, que le public ne doit s'engager qu'à demi dans le spectacle, de façon à "connaître" ce qui y est montré, au lieu de le subir ; que l'acteur doit accoucher cette conscience en dénonçant son rôle, non en l'incarnant ; que le spectateur ne doit jamais s'identifier complètement au héros, en sorte qu'il reste toujours libre de juger les causes, puis les remèdes de sa souffrance ; que l'action ne doit pas être imitée, mais racontée ; que le théâtre doit cesser d'être magique pour devenir critique, ce qui sera encore pour lui la meilleure façon d'être chaleureux. "

(Roland BARTHES, "La révolution brechtienne", éditorial de la revue Théâtre populaire (1955), dans Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, p.51).

Brecht et la modernité (Roland BARTHES)

" Quoi qu'on décide finalement sur Brecht, il faut du moins marquer l'accord de sa pensée avec les grands thèmes progressistes de notre époque : à savoir que les maux des hommes sont entre les mains des hommes eux-mêmes, c'est-à-dire que le monde est maniable ; que l'art peut et doit intervenir dans l'histoire ; qu'il doit aujourd'hui concourir aux mêmes tâches que les sciences, dont il est solidaire ; qu'il nous faut désormais un art de l'explication, et non plus seulement un art de l'expression ; que le théâtre doit aider résolument l'histoire en en dévoilant le procès ; que les techniques de la scène sont elles-mêmes engagées ; qu'enfin, il n'y a pas une essence de l'art éternel, mais que chaque société doit inventer l'art qui l'accouchera au mieux de sa propre délivrance ".

(Roland BARTHES, "La révolution brechtienne", éditorial de la revue Théâtre populaire (1955), dans Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, p.52).

 

" Il faut répéter inlassablement cette vérité : connaître Brecht est d'une autre importance que connaître Shakespeare ou Gogol ; car c'est pour nous, très exactement, que Brecht a écrit son théâtre, et non pour l'éternité. "

(Roland BARTHES, "Les tâches de la critique brechtienne" (1956), dans Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, p.84).

A propos de la distanciation ("effet V") (Bernard DORT)

" Autant que ce qu'il montre, ce qui importe, c'est la façon dont Brecht le montre. Ici, intervient la notion de "Verfremdungseffekt" (effet de distanciation, d'éloignement ou d'étrangeté). Il s'agit comme il le dit lui-même d'"amener le spectateur à considérer les événements d'un œil investigateur et critique". Encore convient-il de préciser : Brecht ne prétend pas avoir inventé l'"effet V", il entend seulement en faire une application nouvelle. Les "anciens effets V", dont il donne une longue énumération (ils vont du jeu hiératique des acteurs d'Extrême-Orient au monologue intérieur des romanciers modernes, en passant par les procédés de l'écriture automatique des surréalistes et par le cabotinage du "grand acteur") "dérobent à 'intervention du spectateur une réalité dont ils font quelque chose d'immuable". Les "nouveaux effets V" qu'il réclame ôtent, au contraire, "le sceau du familier" aux "événements susceptibles d'être modifiés par la société". Ils peuvent, en tant que procédés, ne différer guère des "anciens" (les acteurs du Berliner Ensemble ont emprunté beaucoup de trucs, de techniques au théâtre d'Extrême-Orient) mais leur fonction est tout autre : ils permettent "de donner aux événements où les hommes se trouvent face à face l'allure de faits insolites, de faits qui nécessitent l'explication, qui ne vont pas de soi, qui ne sont pas simplement naturels".

 

Ainsi "distancier" ne signifie pas, pour Brecht, éloigner de façon uniforme et immuable l'acteur du personnage, la salle de la scène. Il ne s'agit pas d'exalter, contre un personnage aveuglé, la clairvoyance de l'acteur qui montre cet aveuglement, ni de célébrer, face à l'univers de la scène enlisé dans l'erreur et dans la fausse conscience de soi, la lucidité et la raison des spectateurs. Brecht n'oppose pas acteur et personnage, salle et scène. Il leur propose un autre mode de compréhension et, dirons-nous, de collaboration. La distanciation, dans son théâtre épique, résulte bien plutôt de l'intervention, à tous les niveaux de la représentation théâtrale, d'une série de décalages, d'effets de recul. Au niveau de l'œuvre dramatique, ces décalages jouent, par exemple, entre les actes et les paroles d'un même personnage, entre les différents moments de l'évolution de ce personnage, entre son comportement général et la situation dans laquelle il se trouve, entre le texte parlé et le texte chanté... L'acteur lui-même est appelé à mettre l'accent sur de tels décalages. Il n'a pas à restituer au personnage une unité que celui-ci n'a pas et ne saurait avoir, mais à en marquer les contradictions (contradictions entre ses comportements, contradictions entre ce qu'il dit et ce qu'il fait, etc.) Il n'a pas non plus à rechercher l'illusion, à donner l'illusion d'un personnage réel et naturel. Nous sommes au théâtre : ni les comédiens ni le public ne doivent l'oublier. La fonction de l'acteur n'est pas seulement de jouer son personnage : elle est aussi de médiation. Qu'il se montre jouant. Qu'il ne craigne pas de laisser percer dans son jeu même le jugement qu'il porte sur le personnage. Car il appartient aussi à la salle : il est en quelque sorte le délégué de la salle sur la scène. Un spectateur en action. "

(Bernard DORT, Lecture de Brecht, Paris, Seuil, "Points", 1960, pp. 196-197).

Le formalisme brechtien conteste l'idée de "nature" (Roland BARTHES)

" ... ce que toute la dramaturgie brechtienne postule, c'est qu'aujourd'hui du moins, l'art dramatique a moins à exprimer le réel qu'à le signifier. Il est donc nécessaire qu'il y ait une certaine distance entre le signifié et son signifiant : l'art révolutionnaire doit admettre un certain arbitraire des signes, il doit faire sa part à un certain "formalisme", en ce sens qu'il doit traiter la forme selon une méthode propre, qui est la méthode sémiologique. (...) C'est cet aspect de la pensée brechtienne qui est le plus antipathique à la critique bourgeoise et jdanovienne. (...) Le formalisme de Brecht est une protestation radicale contre l'empoissement de la fausse Nature bourgeoise et petite-bourgeoise : dans une société encore aliénée, l'art doit être critique, il doit couper toute illusion, même celle de la "Nature"... "

(Roland BARTHES, "Les tâches de la critique brechtienne" (1956), dans Essais critiques, Paris, Seuil, 1964, pp.87-88).

Le théâtre et les idéologies (Bernard DORT)

" Son théâtre épique apparaît ainsi comme une entreprise de déconditionnement et de destruction des idéologies. C'est en portant à la scène les mythes de la vie quotidienne, notre façon de vivre au jour le jour l'Histoire, voire une certaine théâtralité de cette vie quotidienne (nos gestes et nos opinions...) que Brecht nous offre le moyen de prendre du champ par rapport à cette vie quotidienne et de nous en dégager. L'objet d'un tel théâtre, ce sont les fausses représentations que l'homme se fait de lui-même et de la société. "

(Bernard DORT, Lecture de Brecht, Paris, Seuil, "Points", 1960, pp. 199).

Oeuvre ouverte (Bernard DORT)

" Ici, nul apaisement définitif ne clôt l'œuvre : il n'y a ni rétablissement d'un ordre ancien, ni établissement d'un ordre nouveau, ni "réalisation du rationnel et du vrai en soi" ".

(Bernard DORT, Lecture de Brecht, Paris, Seuil, "Points", 1960, p. 195).

Le personnage chez Brecht (Bernard DORT)

" A l'intérieur des personnages eux-mêmes, il n'y a , à proprement parler, ni unité ni conflits de sentiments. En fait, le personnage brechtien n'est pas un. Il se compose de comportements contradictoires entre eux. Il est fait d'une succession d'actions et de paroles décalées les unes par rapport aux autres. Jamais il ne prend une forme définitive. Plus exactement, il ne cesse de se révéler à nous plus divers, plus complexe que nous ne pouvions l'imaginer ; il ne cesse de changer sous nos yeux selon la situation dans laquelle il se trouve. "

(Bernard DORT, Lecture de Brecht, Paris, Seuil, "Points", 1960, p. 195).

La bourgeoisie et son autre dans L'opéra de quat'sous (Bernard DORT)

" Brecht nous propose, sur la scène, l'image d'une société exotique à souhait (celle des brigands et mendiants de l'Opéra ou celle des pionniers et des bûcherons de Mahagonny), du moins en apparence. En fait, ce que le spectateur découvre dans l'irréalité même d'une telle image, c'est lui-même. Dans le miroir renversé de la scène qui aurait dû lui offrir la vision d'un autre monde, c'est son propre visage qui lui apparaît - surgissant des morceaux inextricablement emmêlés d'un puzzle détraqué. (...) Le miroir de la scène ne reflète plus le monde de la salle mais les déguisements idéologiques de cette salle. "

(Bernard DORT, Lecture de Brecht, Paris, Seuil, "Points", 1960, p. 190).