Édition utilisée : « Mère Courage et ses enfants | Chronique de la guerre de trente ans », in Bertolt BRECHT, Théâtre complet, Volume 4, Paris, L’Arche, 1975, pp. 143–224 [Traduction Guillevic].
1
En Suède. C'est le printemps, il fait froid. Sur une route de campagne, un recruteur et un adjudant (152) arrêtent la carriole d’Anna FIERLING. Ils aiment ordre et discipline ; ils la trouvent insolente.
Courage se présente, elle et ses enfants. Elle vient de Bamberg en Bavière, où il n'y a pas la guerre. Elle a beaucoup voyagé, elle a eu beaucoup d'amants. Son fils Eilif NOJOCKI est de père hongrois ; son autre fils Schweizerkas (fromage suisse) FÉJOS est d'origine Suisse mais son nom est hongrois ; et sa fille, Catherine HAUPT, est à moitié allemande.
Le recruteur cherche à emmener EILIF. Courage ne veut pas qu'il aille à la boucherie 150 :
« Viens, allons pécher, dit le pêcheur au ver de terre ». L'adjudant reproche à Courage de vivre de la guerre. Elle lui prédit la mort : « Tu t’es couillonné toi-même le jour où tu es devenu soldat ». 152 (il ne la croit pas, car il « reste toujours à l'arrière »).
EILIF et SCHWEIZERKAS veulent tous deux partir à la guerre. Elle leur prédit aussi la mort. Une croix noire également pour Catherine.
Le recruteur, à EILIF (comme à Candide) : « Dix Florins tout de suite, et tu es un homme courageux, et tu combats pour le roi, et les femmes se disputent pour toi » 154. EILIF accepte.
L'adjudant achète une boucle de ceinturon à Courage. EILIF est parti ; son frère et Catherine s’attellent à la carriole.
« Vouloir vivre de la guerre
ne va pas sans payer cher ».
2
Bataille de Wallhof (guerre Polono–Suédoise, Lettonie, 1626, remportée par les Suédois).
Courage négocie avec le cuisinier Lamb la vente d'un chapon. Le grand capitaine arrive, félicitant EILIF pour sa bravoure au service de Dieu, et lui promet un bon repas. Il exige de la viande du cuisinier, qui est contraint d'accepter le tarif de Courage pour la vente du chapon.
Le capitaine félicite EILIF pour avoir capturé 20 bœufs et taillé en pièces un groupe de paysans qui voulaient le transformer en chair à pâté. L’aumônier, « berger des âmes », justifie le crime par la Bible. Le capitaine fait de même : « Ce que tu as fait au plus humble de mes frères, c'est à moi que tu l'as fait ». Oui, les soldats se battent « pour Dieu ». Entendant cette conversation, Courage est furieuse. Si le capitaine a besoin de soldats courageux comme son fils, c'est que lui et le roi n'ont que mépris pour la vie humaine. Pas besoin de bon plan de bataille : il suffit d'avoir des soldats d'une loyauté exceptionnelle, qui méprisent la mort. 160 « Dans un bon pays, pas besoin de vertus, tout le monde peut être tout à fait ordinaire, moyennement intelligent et même lâche ».
EILIF entonne un chant, que prolonge sa mère dans la roulotte, qui raconte le dialogue des soldats et de la femme. EILIF, Suivi par le capitaine, retrouve alors sa mère, qui le gifle parce qu'il n'a pas été lâche comme elle le lui a appris. Le capitaine et l'aumônier rient.
3
1629. C'est l'automne. Les catholiques ont maintenant le dessus.
Courage négocie l'achat de balles avec un intendant. Affirmant d'abord qu'elle hésite à acheter le bien de l'armée, elle finit par les accepter pour un prix dérisoire.
Elle encourage son honnête fils Schweizerkas, qui est maintenant devenu trésorier du régiment, à faire scrupuleusement ses comptes. Son fils et l'intendant partis, elle s'entretient avec la belle Yvette. Yvette est malade, et tout le monde se méfie d’elle. Elle raconte comment son premier mari, un cuisinier hollandais, l’a trompée puis abandonnée. Elle chante leur rencontre. 165 Courage met sa fille Catherine en garde contre l'amour des soldats.
L'aumônier arrive, avec un message pour Schweizerkas. Il est accompagné du cuisinier, qui est amoureux de Courage. L’aumônier est un vieux graveleux. Ils ont soif.
Courage leur sert de l’eau de vie, et tous trois parlent de la guerre en cours, pendant que Catherine, qui a ramassé le chapeau et les chaussures rouges d’Yvette, se promène comme une élégante.
Puis on entend une canonnade : les catholiques attaquent. L’intendant et un soldat viennent chercher un canon qu’utilisait Courage pour faire sécher son linge. Mais ils repartent bredouilles, l’intendant s’en va en courant, le soldat le suit. Le cuisinier part également. L’aumônier s’apprête à faire de même (« Heureux les pacifiques » 169), mais décide finalement de rester.
Yvette vient rechercher son chapeau et se poudre vu que les catholiques arrivent. 170 Courage barbouille le visage de Catherine, craignant que les catholiques en fassent une putain (il faut savoir « mettre sa lampe sous le boisseau »). Schweizerkas arrive avec la caisse du régiment. Il va falloir la cacher pour éviter d'être massacrés. Et l’aumônier doit enlever sa soutane. Puis on changera le drapeau sur le mât de la carriole.
171 Trois jours plus tard. Plus de canon. Schweizerkas et l'aumônier sont inquiets, l’un à cause de sa cassette, l'autre de sa religion. Ils sont prisonniers des catholiques, mais Courage parvient à se débrouiller, elle a bien menti. « On est prisonnier, mais comme des poux dans de la fourrure ». Parfois, pour les petits, les défaites peuvent ressembler à des victoires.
Courage s'inquiète pour Schweizerkas, qui est vraiment trop honnête (c’est elle qui avait voulu qu'il le soit, car il n'est pas très malin). Elle s’apprête à partir acheter un drapeau catholique et de la viande avec l’aumônier.
Schweizerkas se demande ce qu'il va faire de la cassette ; l'aumônier le met en garde : Il y a des mouchards partout, notamment un borgne qu'il a croisé la veille. Mère Courage revient de la carriole furieuse : elle a trouvé les chaussures rouges d’Yvette, que Catherine a dissimulées. Elle réprimande sa fille (elle fréquenterait les soldats seulement pour le plaisir), son fils également.
Schweizerkas se décide à partir cacher la cassette, pour pouvoir ensuite la ramener au régiment.
Un adjudant et le mouchard arrivent, ils cherchent Schweizerkas. Catherine essaie d’avertir son frère, mais celui-ci ne comprend pas. Il part avec la cassette. Sa mère arrive, Elle comprend que Schweizerkas est parti avec la cassette. Elle fixe au mât le drapeau catholique.
175 Les 2 hommes ont arrêté Schweizerkas. Lui et sa mère font comme s'ils ne se connaissaient pas. Les deux lui réclament la cassette, il affirme ne pas l’avoir. Mère Courage lui fait comprendre qu'il doit se dénoncer, c'est sa vie qui est en jeu. Il ne le fait pas. Les deux l’emmènent.
176 L'aumônier compare le destin de Schweizerkas à celui du Christ. Il chante le « chant des heures ».
Courage veut sauver son fils, il faut trouver de l'argent – 200 florins – pour soudoyer l'adjudant. Elle va marchander. Elle envisage d’abord de vendre sa carriole, puis de la donner en gage à Yvette, qui est maintenant la maîtresse d'un vieux colonel catholique. Mais Yvette qui au départ veut acheter, finit cependant par accepter de prêter à Courage l'argent dont celle-ci a besoin. La carriole sera à Yvette, avec tout ce qu'elle contient, si Courage n'a pas remboursé dans les 2 semaines.
Yvette va retrouver le mouchard borgne pour lui proposer les 200 Florins en échange de la vie de Schweizerkas 180. Courage prévoit d’utiliser l’argent de la cassette pour rembourser. Mais Yvette revient : elle tient du mouchard l’information que la cassette a été jetée dans le fleuve (elle comprend alors que Courage a tenté de la rouler).
N’ayant plus la possibilité de récupérer les 200 florins, Courage risque maintenant de perdre définitivement sa carriole. Elle charge Yvette de proposer 120 Florins au borgne (elle est prête à aller jusqu’à 200, c'est-à-dire jusqu'à la ruine pour elle). Yvette revient : le borgne refuse même 150 florins : l’exécution est imminente. (« Je crois bien que j'ai marchandé trop longtemps » 182).
Schweizerkas est finalement exécuté. L’adjudant présente le cadavre à Courage, qui nie l'avoir connu, pour éviter d'être considérée comme complice.. Le corps de son fils sera donc « mis à la voirie ».
4
Courage est toujours avec les catholiques. Devant la tente du capitaine, Mère-Courage s’entretient avec son secrétaire. Elle est venue se plaindre, – on a tout détruit dans sa carriole. Il attend.
Un jeune soldat arrive, qui veut casser la gueule au capitaine. Alors qu'il avait accompli un geste héroïque, son pourboire a été retenu par un officier qui voulait se saouler. Mère Courage et un vieux soldat tâchent de le raisonner, sans y arriver. Mais finalement il se résigne, – il a la « colère courte », dit Mère Courage. Lui aussi est un assis.
Mère Courage chante le chant de la grande capitulation. Tout le monde finit par « marcher dans la fanfare au pas cadencé ». On annonce l'arrivée du capitaine, les deux soldats s'en vont. Mère Courage peut maintenant se plaindre au capitaine. Elle ne se plaint pas.
5
1631. À Magdebourg, après une victoire de Tilly.
Deux soldats veulent boire sans payer, – ils n'ont pas d'argent parce qu'ils n'ont pas pu participer au pillage. Courage refuse de les servir. L'aumônier arrive, il veut de la toile pour soigner des blessés. Courage ne veut pas en donner si elle n'est pas payée.
À côté d'eux, des paysans dont la maison a été détruite par les hommes de Tilly. Ces paysans sont des catholiques. Courage ne veut toujours rien donner. L'aumônier prend des chemises dans la carriole et les déchire.
Un enfant pleure dans la maison détruite des paysans ; Catherine le sort des ruines et s'occupe de lui. Courage est furieuse. Un soldat se jette sur une bouteille, sans la payer. Courage lui prend le manteau de fourrure de femme qu'il avait sur le dos.
6
1632. Devant la ville d’Ingolstadt, sous la tente de Mère Courage.
On entend la musique funèbre de l’enterrement de Tilly (le grand capitaine). Le secrétaire et l'aumônier n'iront pas à l'enterrement. Ils boivent et jouent aux dames. Il n'y aura pas de cloches pour l'enterrement, vu que les églises ont été détruites par les troupes catholiques de Tilly.
Courage sert à boire aux soldats à l'extérieur de la tente.
Elle discute de la guerre avec l'aumônier. Courage trouve que les grands projets des chefs aboutissent difficilement à cause de la médiocrité des soldats. L'aumônier trouve, lui, que les capitaines, les héros, ça se remplace. La guerre pourrait tout à fait être interminable. 193
Et si la guerre peut durer, alors Courage peut acheter de nouvelles marchandises. Catherine est fâchée, car si la guerre continue, elle devra encore attendre pour avoir un mari. Elle part quand même à la ville, avec le secrétaire, pour acheter des marchandises.
Courage et l'aumônier continuent à discuter. 194 L'aumônier dit avoir le don d'éloquence ; il trouve qu'il gaspille ses dons à couper du bois. Il cherche maintenant à séduire Courage ; elle refuse ses avances.
Catherine arrive avec des objets qu'elle a achetés. Elle est blessée. Elle a été attaquée. Courage la soigne, et pour la consoler lui offre les chaussures rouges à talons d’Yvette, qu'elle a achetées pour elle.
Elle raconte à l'aumônier la vie gâchée de Catherine. « La guerre doit être maudite ».
7
Sur la route. Pour mère Courage, la guerre nourrit mieux les gens que la paix.
Elle chante. « La guerre, c'est que des affaires ».
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1632, l'été. Gustave Adolphe est mort à la bataille de Lützen, On annonce la paix.
Une vieille femme et son fils cherchent à vendre de la vieille literie à Mère Courage. Négociation âpre.
On entend des cloches de deuil. Le roi de Suède a été tué, la paix a donc sans doute été signée. La fin de la guerre est une catastrophe économique pour Mère Courage. Le jeune homme est très content que la paix soit revenue, car il va pouvoir reprendre son travail. Mère Courage se réjouit quand même d'avoir sauvé deux de ses enfants.
Arrive alors le cuisinier du grand capitaine. Courage lui explique qu’elle est ruinée. Le cuisinier incrimine l'aumônier et ses mauvais conseils. Il le présente comme un charlatan et cherche à séduire Courage. L’aumônier arrive en soutane. Il se querelle avec le cuisinier qui lui reproche d'avoir prétendu que la guerre durerait éternellement. L’aumônier furieux traite Courage d’« hyène des champs de bataille ». Il lui reproche de préférer la guerre à la paix. La querelle entre l'aumônier et le cuisinier se poursuit.
Arrive Yvette. L'aumônier l'invite à donner à Courage son point de vue sur le cuisinier. Yvette apprend à Courage que le cuisinier n’est autre que Pieter la pipe, un séducteur venu des Flandres.
Courage se décide à aller au marché pour y vendre ses nippes. Rejeté, le cuisinier s'en va, misérable. Arrive Eilif, les mains liées, entre deux soldats. Il veut voir sa mère une dernière fois. Il est sur le point d’être condamné pour avoir pillé et commis des viols, ce qui en temps de guerre, remarque l’aumônier, constituerait des actes de bravoure. On emmène Eilif ; l'aumônier l'accompagne.
Le cuisinier se dirige alors vers la carriole, il demande à manger à Catherine. Mère Courage, revenant du marché, leur apprend que la guerre a repris. Heureusement, elle n'avait pas encore vendu ses marchandises. Le cuisinier s’abstient de lui raconter dans quelle situation se trouve son fils. Courage, oubliant les révélations d'Yvette, lui propose de les accompagner, elle et sa fille. Catherine et le cuisinier se préparent à tirer la carriole. La guerre reprend. Courage chante.
9
1634. C’est l’hiver. Devant un presbytère détruit. Anna et le cuisinier n'en peuvent plus de la guerre (« Je n'ai plus rien à vendre, et pour payer ce rien les gens n'ont rien » 210). Le cuisinier apprend par une lettre que, sa mère étant morte, il est maintenant propriétaire d'une auberge. Il s'apprête à retourner à Utrecht et propose à Courage de l'accompagner. Celle-ci consulte Catherine, mais le cuisinier refuse d'emmener la jeune fille. Elle est muette, balafrée, trop âgée. Qu'elle garde la carriole ! Mais Courage refuse de l‘abandonner : Catherine ne supporte pas la guerre, elle est « malade de pitié »
Courage et le cuisinier chantent le chant de Salomon devant le presbytère. Salomon, César, Socrate, Saint Martin. « Et si nous étions des voleurs et des assassins, peut être que nous serions rassasiés ! Car les vertus ne pèsent pas, juste les méchancetés, le monde est comme ça, et il ne devrait pas être comme ça ! » 214
Une voix venue de la maison leur propose de la soupe. Courage veut aller chercher Catherine, mais le cuisinier la dissuade : elle n’aura qu’à emmener un morceau de pain pour elle. De son côté, Catherine a fait son baluchon pour partir seule sur la route. Courage arrive alors avec une assiette de soupe. Elle ne veut pas abandonner sa fille ; toutes deux repartent, attelées à la carriole. Quand le cuisinier revient, il ne trouve que ses vêtements et un baluchon.
10
1635. Sur une route d'Allemagne, Catherine et Mère Courage tirent la carriole ; elles entendent une voix qui chante le bonheur d'avoir un jardin et un toit.
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Janvier 1636. Non loin des remparts de Halle, ville protestante assiégée par les impériaux. Une ferme.
Mère courage est partie en ville faire des achats à bas prix pour son commerce. Des soldats catholiques débouchent du bois et veulent contraindre le fils des paysans à les conduire jusqu'à la ville. Les paysans comprennent que les soldats se préparent à piller la ville. Ils ne savent comment prévenir les habitants, – c'est trop dangereux. Catherine grimpe alors sur le toit de la ferme 219 et commence à jouer du tambour, pour avertir les citadins. Les soldats furieux finissent par l'abattre, après avoir tué le fils des paysans qui l’encourageait.
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Devant le corps de sa fille, Courage chante une berceuse : « Tu vas dans la soie de la robe qu'un ange a refaite pour toi ».
Elle doit partir, maintenant. Elle tirera la carriole toute seule et se remettra au commerce. Elle part, au son des fifres et des tambours. Une voix chante la guerre au loin.