Édition utilisée : « Mère Courage et ses enfants | Chronique de la guerre de trente ans », in Bertolt BRECHT, Théâtre complet, Volume 4, Paris, L’Arche, 1975, pp. 143–224 [Traduction Guillevic].
1
En Suède. C'est le printemps, il fait froid. Sur une route de campagne, un recruteur et un adjudant (152) arrêtent la carriole d’Anna FIERLING. Ils aiment ordre et discipline ; ils la trouvent insolente.
Courage se présente, elle et ses enfants. Elle vient de Bamberg en Bavière, où il n'y a pas la guerre. Elle a beaucoup voyagé, elle a eu beaucoup d'amants. Son fils Eilif NOJOCKI est de père hongrois ; son autre fils Schweizerkas (fromage suisse) FÉJOS est d'origine Suisse mais son nom est hongrois ; et sa fille, Catherine HAUPT, est à moitié allemande.
Le recruteur cherche à emmener EILIF. Courage ne veut pas qu'il aille à la boucherie 150 :
« Viens, allons pécher, dit le pêcheur au ver de terre ». L'adjudant reproche à Courage de vivre de la guerre. Elle lui prédit la mort : « Tu t’es couillonné toi-même le jour où tu es devenu soldat ». 152 (il ne la croit pas, car il « reste toujours à l'arrière »).
EILIF et SCHWEIZERKAS veulent tous deux partir à la guerre. Elle leur prédit aussi la mort. Une croix noire également pour Catherine.
Le recruteur, à EILIF (comme à Candide) : « Dix Florins tout de suite, et tu es un homme courageux, et tu combats pour le roi, et les femmes se disputent pour toi » 154. EILIF accepte.
L'adjudant achète une boucle de ceinturon à Courage. EILIF est parti ; son frère et Catherine s’attellent à la carriole.
« Vouloir vivre de la guerre
ne va pas sans payer cher ».
2
Bataille de Wallhof (guerre Polono–Suédoise, Lettonie, 1626, remportée par les Suédois).
Courage négocie avec le cuisinier Lamb la vente d'un chapon. Le grand capitaine arrive, félicitant EILIF pour sa bravoure au service de Dieu, et lui promet un bon repas. Il exige de la viande du cuisinier, qui est contraint d'accepter le tarif de Courage pour la vente du chapon.
Le capitaine félicite EILIF pour avoir capturé 20 bœufs et taillé en pièces un groupe de paysans qui voulaient le transformer en chair à pâté. L’aumônier, « berger des âmes », justifie le crime par la Bible. Le capitaine fait de même : « Ce que tu as fait au plus humble de mes frères, c'est à moi que tu l'as fait ». Oui, les soldats se battent « pour Dieu ». Entendant cette conversation, Courage est furieuse. Si le capitaine a besoin de soldats courageux comme son fils, c'est que lui et le roi n'ont que mépris pour la vie humaine. Pas besoin de bon plan de bataille : il suffit d'avoir des soldats d'une loyauté exceptionnelle, qui méprisent la mort. 160 « Dans un bon pays, pas besoin de vertus, tout le monde peut être tout à fait ordinaire, moyennement intelligent et même lâche ».
EILIF entonne un chant, que prolonge sa mère dans la roulotte, qui raconte le dialogue des soldats et de la femme. EILIF, Suivi par le capitaine, retrouve alors sa mère, qui le gifle parce qu'il n'a pas été lâche comme elle le lui a appris. Le capitaine et l'aumônier rient.
3
1629. C'est l'automne. Les catholiques ont maintenant le dessus.
Courage négocie l'achat de balles avec un intendant. Affirmant d'abord qu'elle hésite à acheter le bien de l'armée, elle finit par les accepter pour un prix dérisoire.
Elle encourage son honnête fils Schweizerkas, qui est maintenant devenu trésorier du régiment, à faire scrupuleusement ses comptes. Son fils et l'intendant partis, elle s'entretient avec la belle Yvette. Yvette est malade, et tout le monde se méfie d’elle. Elle raconte comment son premier mari, un cuisinier hollandais, l’a trompée puis abandonnée. Elle chante leur rencontre. 165 Courage met sa fille Catherine en garde contre l'amour des soldats.
L'aumônier arrive, avec un message pour Schweizerkas. Il est accompagné du cuisinier, qui est amoureux de Courage. L’aumônier est un vieux graveleux. Ils ont soif.
Courage leur sert de l’eau de vie, et tous trois parlent de la guerre en cours, pendant que Catherine, qui a ramassé le chapeau et les chaussures rouges d’Yvette, se promène comme une élégante.
Puis on entend une canonnade : les catholiques attaquent. L’intendant et un soldat viennent chercher un canon qu’utilisait Courage pour faire sécher son linge. Mais ils repartent bredouilles, l’intendant s’en va en courant, le soldat le suit. Le cuisinier part également. L’aumônier s’apprête à faire de même (« Heureux les pacifiques » 169), mais décide finalement de rester.
Yvette vient rechercher son chapeau et se poudre vu que les catholiques arrivent. 170 Courage barbouille le visage de Catherine, craignant que les catholiques en fassent une putain (il faut savoir « mettre sa lampe sous le boisseau »). Schweizerkas arrive avec la caisse du régiment. Il va falloir la cacher pour éviter d'être massacrés. Et l’aumônier doit enlever sa soutane. Puis on changera le drapeau sur le mât de la carriole.
171 Trois jours plus tard. Plus de canon. Schweizerkas et l'aumônier sont inquiets, l’un à cause de sa cassette, l'autre de sa religion. Ils sont prisonniers des catholiques, mais Courage parvient à se débrouiller, elle a bien menti. « On est prisonnier, mais comme des poux dans de la fourrure ». Parfois, pour les petits, les défaites peuvent ressembler à des victoires.
Courage s'inquiète pour Schweizerkas, qui est vraiment trop honnête (c’est elle qui avait voulu qu'il le soit, car il n'est pas très malin). Elle s’apprête à partir acheter un drapeau catholique et de la viande avec l’aumônier.
Schweizerkas se demande ce qu'il va faire de la cassette ; l'aumônier le met en garde : Il y a des mouchards partout, notamment un borgne qu'il a croisé la veille. Mère Courage revient de la carriole furieuse : elle a trouvé les chaussures rouges d’Yvette, que Catherine a dissimulées. Elle réprimande sa fille (elle fréquenterait les soldats seulement pour le plaisir), son fils également.
Schweizerkas se décide à partir cacher la cassette, pour pouvoir ensuite la ramener au régiment.
Un adjudant et le mouchard arrivent, ils cherchent Schweizerkas. Catherine essaie d’avertir son frère, mais celui-ci ne comprend pas. Il part avec la cassette. Sa mère arrive, Elle comprend que Schweizerkas est parti avec la cassette. Elle fixe au mât le drapeau catholique.
175 Les 2 hommes ont arrêté Schweizerkas. Lui et sa mère font comme s'ils ne se connaissaient pas. Les deux lui réclament la cassette, il affirme ne pas l’avoir. Mère Courage lui fait comprendre qu'il doit se dénoncer, c'est sa vie qui est en jeu. Il ne le fait pas. Les deux l’emmènent.
176 L'aumônier compare le destin de Schweizerkas à celui du Christ. Il chante le « chant des heures ».
Courage veut sauver son fils, il faut trouver de l'argent – 200 florins – pour soudoyer l'adjudant. Elle va marchander. Elle envisage d’abord de vendre sa carriole, puis de la donner en gage à Yvette, qui est maintenant la maîtresse d'un vieux colonel catholique. Mais Yvette qui au départ veut acheter, finit cependant par accepter de prêter à Courage l'argent dont celle-ci a besoin. La carriole sera à Yvette, avec tout ce qu'elle contient, si Courage n'a pas remboursé dans les 2 semaines.
Yvette va retrouver le mouchard borgne pour lui proposer les 200 Florins en échange de la vie de Schweizerkas 180. Courage prévoit d’utiliser l’argent de la cassette pour rembourser. Mais Yvette revient : elle tient du mouchard l’information que la cassette a été jetée dans le fleuve (elle comprend alors que Courage a tenté de la rouler).
N’ayant plus la possibilité de récupérer les 200 florins, Courage risque maintenant de perdre définitivement sa carriole. Elle charge Yvette de proposer 120 Florins au borgne (elle est prête à aller jusqu’à 200, c'est-à-dire jusqu'à la ruine pour elle). Yvette revient : le borgne refuse même 150 florins : l’exécution est imminente. (« Je crois bien que j'ai marchandé trop longtemps » 182).
Schweizerkas est finalement exécuté. L’adjudant présente le cadavre à Courage, qui nie l'avoir connu, pour éviter d'être considérée comme complice.. Le corps de son fils sera donc « mis à la voirie ».
4
Courage est toujours avec les catholiques. Devant la tente du capitaine, Mère-Courage s’entretient avec son secrétaire. Elle est venue se plaindre, – on a tout détruit dans sa carriole. Il attend.
Un jeune soldat arrive, qui veut casser la gueule au capitaine. Alors qu'il avait accompli un geste héroïque, son pourboire a été retenu par un officier qui voulait se saouler. Mère Courage et un vieux soldat tâchent de le raisonner, sans y arriver. Mais finalement il se résigne, – il a la « colère courte », dit Mère Courage. Lui aussi est un assis.
Mère Courage chante le chant de la grande capitulation. Tout le monde finit par « marcher dans la fanfare au pas cadencé ». On annonce l'arrivée du capitaine, les deux soldats s'en vont. Mère Courage peut maintenant se plaindre au capitaine. Elle ne se plaint pas.
5
1631. À Magdebourg, après une victoire de Tilly.
Deux soldats veulent boire sans payer, – ils n'ont pas d'argent parce qu'ils n'ont pas pu participer au pillage. Courage refuse de les servir. L'aumônier arrive, il veut de la toile pour soigner des blessés. Courage ne veut pas en donner si elle n'est pas payée.
À côté d'eux, des paysans dont la maison a été détruite par les hommes de Tilly. Ces paysans sont des catholiques. Courage ne veut toujours rien donner. L'aumônier prend des chemises dans la carriole et les déchire.
Un enfant pleure dans la maison détruite des paysans ; Catherine le sort des ruines et s'occupe de lui. Courage est furieuse. Un soldat se jette sur une bouteille, sans la payer. Courage lui prend le manteau de fourrure de femme qu'il avait sur le dos.
6
1632. Devant la ville d’Ingolstadt, sous la tente de Mère Courage.
On entend la musique funèbre de l’enterrement de Tilly (le grand capitaine). Le secrétaire et l'aumônier n'iront pas à l'enterrement. Ils boivent et jouent aux dames. Il n'y aura pas de cloches pour l'enterrement, vu que les églises ont été détruites par les troupes catholiques de Tilly.
Courage sert à boire aux soldats à l'extérieur de la tente.
Elle discute de la guerre avec l'aumônier. Courage trouve que les grands projets des chefs aboutissent difficilement à cause de la médiocrité des soldats. L'aumônier trouve, lui, que les capitaines, les héros, ça se remplace. La guerre pourrait tout à fait être interminable. 193
Et si la guerre peut durer, alors Courage peut acheter de nouvelles marchandises. Catherine est fâchée, car si la guerre continue, elle devra encore attendre pour avoir un mari. Elle part quand même à la ville, avec le secrétaire, pour acheter des marchandises.
Courage et l'aumônier continuent à discuter. 194 L'aumônier dit avoir le don d'éloquence ; il trouve qu'il gaspille ses dons à couper du bois. Il cherche maintenant à séduire Courage ; elle refuse ses avances.
Catherine arrive avec des objets qu'elle a achetés. Elle est blessée. Elle a été attaquée. Courage la soigne, et pour la consoler lui offre les chaussures rouges à talons d’Yvette, qu'elle a achetées pour elle.
Elle raconte à l'aumônier la vie gâchée de Catherine. « La guerre doit être maudite ».
7
Sur la route. Pour mère Courage, la guerre nourrit mieux les gens que la paix.
Elle chante. « La guerre, c'est que des affaires ».
8
1632, l'été. Gustave Adolphe est mort à la bataille de Lützen, On annonce la paix.
Une vieille femme et son fils cherchent à vendre de la vieille literie à Mère Courage. Négociation âpre.
On entend des cloches de deuil. Le roi de Suède a été tué, la paix a donc sans doute été signée. La fin de la guerre est une catastrophe économique pour Mère Courage. Le jeune homme est très content que la paix soit revenue, car il va pouvoir reprendre son travail. Mère Courage se réjouit quand même d'avoir sauvé deux de ses enfants.
Arrive alors le cuisinier du grand capitaine. Courage lui explique qu’elle est ruinée. Le cuisinier incrimine l'aumônier et ses mauvais conseils. Il le présente comme un charlatan et cherche à séduire Courage. L’aumônier arrive en soutane. Il se querelle avec le cuisinier qui lui reproche d'avoir prétendu que la guerre durerait éternellement. L’aumônier furieux traite Courage d’« hyène des champs de bataille ». Il lui reproche de préférer la guerre à la paix. La querelle entre l'aumônier et le cuisinier se poursuit.
Arrive Yvette. L'aumônier l'invite à donner à Courage son point de vue sur le cuisinier. Yvette apprend à Courage que le cuisinier n’est autre que Pieter la pipe, un séducteur venu des Flandres.
Courage se décide à aller au marché pour y vendre ses nippes. Rejeté, le cuisinier s'en va, misérable. Arrive Eilif, les mains liées, entre deux soldats. Il veut voir sa mère une dernière fois. Il est sur le point d’être condamné pour avoir pillé et commis des viols, ce qui en temps de guerre, remarque l’aumônier, constituerait des actes de bravoure. On emmène Eilif ; l'aumônier l'accompagne.
Le cuisinier se dirige alors vers la carriole, il demande à manger à Catherine. Mère Courage, revenant du marché, leur apprend que la guerre a repris. Heureusement, elle n'avait pas encore vendu ses marchandises. Le cuisinier s’abstient de lui raconter dans quelle situation se trouve son fils. Courage, oubliant les révélations d'Yvette, lui propose de les accompagner, elle et sa fille. Catherine et le cuisinier se préparent à tirer la carriole. La guerre reprend. Courage chante.
9
1634. C’est l’hiver. Devant un presbytère détruit. Anna et le cuisinier n'en peuvent plus de la guerre (« Je n'ai plus rien à vendre, et pour payer ce rien les gens n'ont rien » 210). Le cuisinier apprend par une lettre que, sa mère étant morte, il est maintenant propriétaire d'une auberge. Il s'apprête à retourner à Utrecht et propose à Courage de l'accompagner. Celle-ci consulte Catherine, mais le cuisinier refuse d'emmener la jeune fille. Elle est muette, balafrée, trop âgée. Qu'elle garde la carriole ! Mais Courage refuse de l‘abandonner : Catherine ne supporte pas la guerre, elle est « malade de pitié »
Courage et le cuisinier chantent le chant de Salomon devant le presbytère. Salomon, César, Socrate, Saint Martin. « Et si nous étions des voleurs et des assassins, peut être que nous serions rassasiés ! Car les vertus ne pèsent pas, juste les méchancetés, le monde est comme ça, et il ne devrait pas être comme ça ! » 214
Une voix venue de la maison leur propose de la soupe. Courage veut aller chercher Catherine, mais le cuisinier la dissuade : elle n’aura qu’à emmener un morceau de pain pour elle. De son côté, Catherine a fait son baluchon pour partir seule sur la route. Courage arrive alors avec une assiette de soupe. Elle ne veut pas abandonner sa fille ; toutes deux repartent, attelées à la carriole. Quand le cuisinier revient, il ne trouve que ses vêtements et un baluchon.
10
1635. Sur une route d'Allemagne, Catherine et Mère Courage tirent la carriole ; elles entendent une voix qui chante le bonheur d'avoir un jardin et un toit.
11
Janvier 1636. Non loin des remparts de Halle, ville protestante assiégée par les impériaux. Une ferme.
Mère courage est partie en ville faire des achats à bas prix pour son commerce. Des soldats catholiques débouchent du bois et veulent contraindre le fils des paysans à les conduire jusqu'à la ville. Les paysans comprennent que les soldats se préparent à piller la ville. Ils ne savent comment prévenir les habitants, – c'est trop dangereux. Catherine grimpe alors sur le toit de la ferme 219 et commence à jouer du tambour, pour avertir les citadins. Les soldats furieux finissent par l'abattre, après avoir tué le fils des paysans qui l’encourageait.
12
Devant le corps de sa fille, Courage chante une berceuse : « Tu vas dans la soie de la robe qu'un ange a refaite pour toi ».
Elle doit partir, maintenant. Elle tirera la carriole toute seule et se remettra au commerce. Elle part, au son des fifres et des tambours. Une voix chante la guerre au loin.
Brecht, Antigone et la seconde guerre de 30 ans
« Pense aussi à cela : nous sommes des femmes :
Nous ne devons pas nous opposer aux hommes,
Nous n’avons pas la force, nous sommes à leur merci.
Je demande donc aux morts, que seule la terre opprime,
De me pardonner : puisque j’y suis contrainte,
J’obéis à celui qui règne. Accomplir un acte inutile
N’est pas sage. »
Ismène, dans Bertolt Brecht, ANTIGONE, 1947, Trad. Maurice Regnaut, Paris, L’Arche, page 15
La culture classique de Bertolt Brecht est, on le sait, immense. Les allusions, parodies et reprises des grands textes du patrimoine européen sont légion dans son œuvre. Il a ainsi réécrit Edward II de Marlowe, Dom Juan de Molière, Coriolan de Shakespeare, bien d’autres textes encore.
Son adaptation de l’Antigone de Sophocle date de décembre 1947. Ecrite en collaboration avec le scénographe Caspar Neher, la pièce fut représentée pour la première fois au théâtre municipal de Chur, en Suisse, en février 1948. Quelques mois plus tard, Brecht partait s’installer à Berlin, où il devait connaître un grand succès avec la création de Mère Courage et ses enfants (janvier 1949), avant de fonder avec son épouse, Hélène Weigel, le Berliner Ensemble.
Fin 1947 marque le retour de Brecht en Europe après 7 années passées aux Etats-Unis. Comme beaucoup d’autres intellectuels allemands, il avait choisi de quitter son pays en 1933, pour un exil qui devait durer 14 ans [1].
C’est en octobre 1947 que Brecht décide de quitter les Etats-Unis, au lendemain de sa comparution devant la Commission des activités antiaméricaines, un des principaux organes de la « chasse aux sorcières » maccarthyste.
Et de retour en Europe, sa première mise en scène sera Antigone. Il en écrit le texte, dit-il, en deux semaines, à partir de la traduction allemande réalisée par le grand poète Hölderlin (1770-1843). Sur les 1300 vers que compte la pièce de Brecht, 400 sont une reprise littérale du texte d’Hölderlin [2].
Mais pourquoi avoir choisi cette pièce-là, à ce moment-là ?
Nombreux sont en fait les thèmes traités par la tragédie de Sophocle qui parcourent l’œuvre de Brecht.
Et tout d’abord la guerre. Dès ses premiers textes, à 18 ans, Brecht s’est montré un critique virulent de l’héroïsme et de son utilisation par la propagande de guerre. Il s’attache souvent à montrer le contraste entre l’attitude des puissants, chantres exaltés de l’héroïsme, et celle des gens « ordinaires », bousculés par l’histoire, et qui cherchent à subsister vaille que vaille. Ce sujet est traité par exemple dans Homme pour homme (1925), mais aussi dans Schweyk dans la deuxième guerre mondiale [3] (1943), et bien sûr dans Mère Courage (1949). Brecht montre également les intrigues et la brutalité des détenteurs du pouvoir, que ce soit au sein des entreprises capitalistes (Sainte Jeanne des Abattoirs, 1932), ou dans les hautes sphères du pouvoir politique (La résistible ascension d’Arturo Ui, 1943). Le capitaliste Mauler et le gangster Arturo Ui sont l’un comme l’autre impitoyablement assoiffés de domination [4].
L’adaptation que Brecht propose de la tragédie de Sophocle fait de Créon un personnage de cette espèce. Implacable va-t-en-guerre, brutalement autoritaire, il n’admet pas la contradiction. Ecrivant au lendemain de la défaite du nazisme, Brecht modifie quelque peu l’intrigue de la tragédie antique, pour la rapprocher de la situation contemporaine. Ivre de puissance, Créon a embarqué son peuple dans une sauvage guerre de conquête, qui mènera son pays, Thèbes, à la ruine [5]. La pièce se termine dans l’effondrement de cette Thèbes dominatrice : on annonce l’arrivée des troupes d’Argos, qui s’apprêtent à réduire la ville en cendres. Pour les contemporains Allemands, les revers de fortune de la bataille d’Argos ne sont pas sans évoquer Stalingrad et la débâcle du printemps 1945 [6].
Par un autre aspect encore, la pièce de Sophocle entre en résonance avec les grands textes de Brecht : elle met en avant une figure de personnage féminin révolté. Le théâtre de Brecht, qui de ce point de vue a quelque chose de féministe, met lui aussi plusieurs fois en présence un pouvoir violent, essentiellement masculin, et des femmes ordinaires, résistantes obstinées et courageuses.
On peut citer, parmi d’autres, la prostituée Shen-Té / Shui-Ta de La bonne âme du Se-Tchouan, mais aussi Johanna Dark, l’héroïne de Sainte Jeanne des Abattoirs, qui n’hésite pas à affronter le tout-puissant spéculateur Pierpont Mauler. Tout aussi intéressante : la jeune Simone Machard, des Visions de Simone Machard, pièce écrite en 1943, que Brecht situe dans la France de Pétain en juin 1940. Simone, servante d’auberge de la région d’Orléans, se prend pour Jeanne d’Arc [7]. Obéissant à la voix d’un ange, elle apportera la nourriture à des réfugiés affamés, et mettra aussi le feu à un dépôt d’essence pour éviter qu’il tombe entre les mains des Allemands. Considérée comme folle, Simone Machard sera envoyée à l’asile, sans que personne autour d’elle ne réagisse.
Cette naïve Simone, Antigone de la débâcle, n’est pas sans évoquer une autre folle magnifique, la Jenny des pirates de L'Opéra de quat'sous, servante d’auberge elle aussi, dont le song fameux raconte la vengeance future des lumpenprolétaires contre les hommes qui dirigent la ville [8].
Personnage ambigu, nullement héroïque, la folle, en fait, chez Brecht, est souvent métaphore de l’artiste dans sa relation au pouvoir.
* * * * * * * * * *
Brecht vit et écrit dans la période la plus tragique de l’histoire de l’Europe [9]. Lisant l’Antigone de Sophocle, il y a trouvé des thèmes qui parcourent son œuvre : les excès de l’autoritarisme, la sauvagerie imbécile de la guerre, et la révolte incarnée dans une figure féminine courageuse et pleine d’humanité [10]. Il a d’autre part cherché à dépouiller le texte antique de sa « brume idéologique », pour retrouver la « légende populaire » : de religieux qu’il était, réglé par le fatum, le conflit de Créon et Antigone est devenu avant tout politique : ce ne sont pas les dieux qui sont responsables du destin des hommes, mais les hommes eux-mêmes.
[1] Considéré par les nazis comme un artiste « dégénéré », ses œuvres étaient évidemment proscrites par le régime.
[2] C’est Hélène Weigel qui interprétait le rôle-titre lors de la première. Cette production donna lieu par ailleurs à un recueil de photographies prises au cours des répétitions et jusqu’à la première, par Ruth Berlau, une des collaboratrices de Brecht. Antigone-modell, paru en 1949 avec des commentaires de Brecht, est le premier ouvrage d’une série documentant les productions du Berliner Ensemble.
[3] A bien y réfléchir, le Schweyk de Brecht est finalement une espèce de parodie d’Antigone.
[4] Ils ont également en commun un recours grotesque aux raffinements du langage lyrique. Les deux pièces présentent ainsi de longs passages versifiés.
[5] « Sa guerre à lui, qui mérite bien d’être appelée inhumaine, sa guerre tourne au désastre » (Tirésias, dans Antigone)
[6] Le prologue écrit pour la première représentation faisait clairement allusion à la situation de l’Allemagne au moment de l’effondrement du troisième reich : Polynice a été pendu par les nazis comme déserteur. Brecht supprimera ce prologue dans les versions ultérieures.
[7] Le personnage de Jeanne d’Arc est à vrai dire très présent dans le théâtre de Brecht, puisqu’on le retrouve non seulement dans Sainte Jeanne des Abattoirs et Les visions de Simone Machard, mais aussi, en 1952, dans l’adaptation d’une pièce radiophonique Le procès de Jeanne d’Arc à Rouen, 1431.
[8] La chanteuse Nina Simone donnera de ce song une version faisant de Jenny la porte-parole de la révolte des femmes noires américaines.
[9] Brecht est, par excellence, l’écrivain de la seconde guerre de 30 ans.
[10] Antigone « n’accepte pas ce qui est inhumain » (Tirésias, Prologue)
Édition utilisée : Bertolt BRECHT, Théâtre complet, volume 1, Paris, L'Arche, 1974, pp. 247-317. Traduction : Geneviève Serreau, Benno Besson
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Lieu |
Personnages |
Evénements |
1 |
Kilkoa |
Galy Gay |
La femme de Galy Gay l’envoie chercher un poisson. |
2 |
Près de la pagode du dieu jaune |
Quatre soldats, mitrailleurs du 8ème régiment : Jesse, Uria, Polly, Jeraiah Jip |
Les quatre soldats mitrailleurs Jesse, Uria, Polly et Jeraiah Jip ont besoin d’argent pour s’acheter du whisky. Il s’en trouve dans la pagode du dieu jaune. |
3 |
Une route entre Kilkoa et le camp |
Le sergent Fairchild |
* Le sergent Fairchild, « Quinte de sang », lit l’affiche dénonçant le méfait des quatre hommes : mitraillage de la pagode, cheveux roux pris dans la glu. Il se prépare à démasquer les coupables. Les trois soldats arrivent. Fairchild les prévient que le 4ème homme doit être présent à l’appel le soir. Il leur faut absolument trouver quelqu'un pour remplacer Jip. |
4 |
La cantine de la veuve Begbick |
Soldats |
* « Song » des soldats, sur le thème : le salon de la Veuve Begbick, où tout est permis ». |
5 |
Intérieur de la pagode du dieu jaune |
Wang et son aide |
* Le bonze Wang fait le point : on a volé dans le temple, on l’a mitraillé, il pleut. Son aide rentre le palanquin à l’intérieur duquel Wang trouve Jeraiah Jip. Il comprend que Jip est son voleur, et commente : « C’est un soldat, donc il n’a pas de cervelle. » On place Jip dans le coffre à prière, où il devra « faire le dieu ». |
6 |
La cantine de Begbick |
Jesse, Uria, Polly |
Les trois reviennent au wagon-bar, où Galy Gay est endormi. Faisant le point, ils s'attendent à ce que Jip ne revienne pas : ils auront donc à nouveau besoin de Galy Gay. Ils vont se coucher. |
7 |
Intérieur de la pagode du dieu jaune |
Wang |
Wang prépare une journée de prière au dieu. Il discute avec Jeraiah Jip qui est dans le coffre et lui donne à manger, mais refuse de le laisser sortir. Il apprend au soldat que ses amis sont partis depuis des semaines. Jip, qui a bien mangé, n’a pas très envie de rejoindre ses camarades. |
" Ce n'est qu'au coeur de la bataille que |
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8 |
La cantine de Begbick |
Galy Gay |
* A la cantine, les mitrailleurs attendent le retour de Jeraiah Jip. Galy Gay dort. |
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Intermède |
Parlé par la Veuve Leocadia Begbick |
Sur le thème : Monsieur Brecht affirme que l’on peut façonner un homme à sa guise. |
9 |
La cantine de Begbick |
Begbick Fairchild |
9 – L’armée se met en route, les soldats regagnent les wagons qui les conduiront au front. 9/N° 1 – « L’affaire éléphant ». La vente commence, brièvement interrompue par le passage de Fairchild non loin du wagon. 9/N° 2 – « La vente de l’éléphant ». Galy Gay vante les qualités de l’éléphant, et Begbick l’achète, 500 roupies. Dès la conclusion de la vente, un soldat interpelle Galy Gay. D’autres soldats témoignent contre lui, Begbick l’accuse d’avoir vendu un faux éléphant : il est condamné et jeté aux latrines. Les soldats démontent la cantine de la veuve Begbick. Elle termine sa chanson. 9/N° 3 – « Le procès de l’homme qui ne voulait pas que son nom soit prononcé ». Galy Gay, convaincu d’avoir vendu un faux éléphant, est condamné à mort. La sentence sera exécutée, à moins qu’il ne se rappelle être Jeraiah Jip. Les soldats commentent sa métamorphose en cours. Il demande à Begbick de lui couper la barbe. 9/N° 4 – « L’exécution de Galy Gay dans les baraquements militaires de Kilkoa ». Galy Gay essaie de persuader le tribunal qu’il n’est pas lui-même, en montrant qu’il n’a pas de barbe, mais le subterfuge est démasqué. La sentence va donc être exécutée. Galy Gay se défend : « Mon nom c’est Jip, je le jure. (…) Je suis un autre. Je ne suis pas Galy Gay. » La mascarade se poursuit inexorablement, Galy Gay se met à supplier et finit par s’évanouir de peur. On tire en l’air quelques coups de fusil, et il est laissé pour mort tandis que les soldats s’éloignent. 9/N° 4a – Devant le wagon de Begbick. Fairchild arrive en civil. Les soldats le provoquent et l’humilient. Il est très amoureux de Begbick. Un soldat vient le chercher pour l’appel de la compagnie. Comme il est en civil, les trois dissimulent sa présence. 9/N° 5 – « Ensevelissement et oraison funèbre de Galy Gay, dernier homme de caractère de l’an mil neuf cent vingt-cinq ». Les trois et Begbick chargent Galy Gay, maintenant devenu Jip, de prononcer l’oraison funèbre de Galy Gay. Après une dernière hésitation, Galy Gay se charge du discours puis reçoit son équipement. Les soldats embarquent dans un wagon un paquet où se trouve Fairchild, l’homme-typhon. |
10 |
Dans le wagon qui roule |
Begbick Fairchild |
* En route vers le Tibet, Galy Gay dort dans le wagon. Les trois hommes, contre rémunération, demandent à la Begbick de se coucher à ses côtés. Il se réveille et s’imagine à nouveau qu’il est Galy Gay. On lui apprend qu’il a passé la nuit avec Begbick et qu’il est Jip, ce qu’il vérifie en consultant son livret. |
11 |
Au fond du Tibet, la forteresse Sir el Jowr |
Jeraiah Jip |
* Sur le champ de bataille, Jeraiah Jip, de retour, cherche à se faire reconnaître de ses copains, qui l’ignorent : il n'est pas Jeraiah Jip. |
Le présent résumé est basé sur l'édition française de 1976 (L'Arche, volume 5, texte français d'Armand Jacob), laquelle s'appuie sur l'édition des "Gesammelte Werke" de 1967.
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Où ? |
Qui ? |
Résumé |
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Prologue | Le bonimenteur | Le bonimenteur présente les principaux épisodes et personnages de "l'historique drame", et notamment Ui ("Comment ne point penser à Richard le Troisième ?") | ||
1a |
La City | Flake Clark Caruther Butcher Mulberry (dirigeants du trust du chou-fleur) | La situation économique de Chicago n'est pas bonne : fruits et légumes, et spécialement le chou-fleur, se vendent mal. Mais Arturo Ui propose ses services aux hommes d'affaires du trust : il peut contraindre les petits marchands à se fournir chez eux. Le groupe aimerait obtenir un prêt de la ville par l'intermédiaire d'Hindsborough ; mais le vieil homme s'y refuse, malgré les services que lui a rendus le trust. Dommage, car il a le gros avantage de paraître honnête. Butcher, cependant, a une idée... | |
Ecriteau | ||||
1b |
Devant la bourse de commerce | Flake et Sheet, deux hommes d'affaires | Flake cherche à convaincre Sheet de lui vendre son entreprise de transports pour une bouchée de pain. Mais Sheet s'y refuse. Passent Ui et Roma les gangsters : Sheet trouve que le gangster Roma et l'homme d'affaires Flake se ressemblent. [Le sens du "Alors, si tu vendais ?" de Flake est le même que celui du "Haut les mains!" de Roma. ] | |
2 |
Arrière-boutique du restaurant d'Hnsborough | Hindsborough Fils d'Hindsborough Butcher Flake |
Flake et Butcher, membres du trust, ont racheté la société de Sheet : ils viennent en offrir les actions à Hindsborough. Celui-ci hésite, puis accepte. | |
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3 |
Pari Mutuel de la 122ème rue | Arturo Ui Roma Nini fleur des quais Ragg Bowl Gori |
Arturo Ui se plaint que la ville l'oublie. Il attend, ses hommes se morfondent. Roma expose son plan de racket des marchands de choux. Il apprend à Arturo que le conseil municipal a voté un prêt au trust, sur la recommandation de l'incorruptible Hindsborough. L'argent prêté a été détourné. Arrive Gori avec Bowl (ancien bras droit de Sheet, congédié par Hindsborough). Bowl explique que Sheet, son ancien patron, a dû vendre son entreprise de transport au trust, qui l'a cédée à Hindsborough. Celui-ci, en échange, a fait voter le prêt par la ville. Hindsborough est donc corrompu, lui aussi. Arturo Ui compte bien en profiter. | |
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4 |
Maison de campagne d'Hinsborough | Hindsborough Hindsborough Junior Domestique Roma Arturo Ui Goodwill Gaffles |
Hindsborough est inquiet : il n'aurait pas dû accepter la maison de campagne. L'opposition au conseil municipal réclame des informations concernant l'argent remis au trust pour la construction de quais (argent que se sont partagé Clark, Butcher, Caruther, Flake et Hindsborough lui-même). Dans un monologue, Hindsborough explique avec lyrisme ce qu'il aime dans sa maison de campagne. Arrive Butcher, qui explique que le conseil municipal veut enquêter sur l'affaire des subventions. Puis vient Arturo Ui, qui réclame sa protection à Hindsborough et lui explique comment il veut racketter les marchands de choux. Tour à tour suppliant et menaçant, il fait comprendre au vieil homme qu'il est au courant de toute l'affaire et pourrait tout à fait le dénoncer. Arrivent Goodwill et Gaffles, membres du conseil de la ville. Ils racontent à Hindsborough que, par amour pour lui, la majorité vient de réclamer une enquête à son sujet. Ils expliquent que l'enquêteur de la ville (O'Casey) sait que c'est Sheet qui a reçu l'argent du prêt. [En fait, nul ne soupçonne que Hindsborough soit lié à la société de transport de Sheet]. |
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5 |
A l'hötel de ville | Butcher Flake Clark Caruther Mulberry Hindsborough O'Casey Gaffles Goodwill Journalistes Un garde du corps |
Réunion du conseil municipal. Les hommes du trust s’inquiètent : Sheet n’acceptera jamais de se laisser condamner pour détournement de fonds publics à la place d’Hindsborough. On annonce la mort de Sheet. Le procureur O’Casey s’apprête à apporter le témoignage (Bowl) prouvant la complicité d’Hindsborough. Ui intervient et se présente comme collaborateur d’Hindsborough. Il accuse Sheet. Le procureur ne se laisse pas démonter. Très incisif, il accuse Hindsborough, que défendent Ui et Clark, au nom de la morale. Bowl, qui doit témoigner, est assassiné. L’accusation s’effondre. Ui est ravi. Pendant toute la scène, Hindsborough, proche du malaise, garde le silence. | |
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6 |
Appartement d'Arturo Ui du Mammoth-Hôtel | Deux gardes du corps Un acteur Arturo Ui Gobbola |
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7 |
Bureau du trust du chou-fleur | Arturo Ui - Gori - Roma - Gobbola Gardes du corps Marchands de fruits et légumes Clark Nini fleur des quais |
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8a-g |
Tribunal | Jounalistes Juge Attorney Défenseur Hindsborough Junior Gori Gobbola Nini fleur des quais Gardes du corps Marchands Accusé Filch |
Procès de l’incendie des entrepôts. b. Le défenseur interroge Hook ; la culpabilité de Gori est évidente. c. L’attorney interroge Hook (qui a été brutalisé) : il se rétracte. d. Nini-Fleur des quais accuse Filch de l’assassinat de son mari Bowl. e. Le fleuriste Gobbola disculpe son subordonné Greenwool. f. Le défenseur interroge l’accusé. On le drogue. Gori menace, le juge cède. g. Condamnation de Filsh. |
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9a |
A Cicero. | Une femme |
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9b |
Villa d'Hinsborough | Hindsborough |
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10 |
Appartement d'Arturo Ui du Mammoth-Hôtel | Arturo Ui - Gori - Gobbola- Roma Gardes du corps Clark Mme Dollfoot |
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11 |
Un garage | Roma Gobbola Arturo Ui Le jeune Inna Un homme de main Un petit homme Gardes du corps |
Roma et le jeune Inna attendent Arturo, qui tarde un peu. Des voitures de police arrivent : Roma croit que Gobbola et Gori ont trahi Ui ; il veut aider son patron. Mais celui-ci arrive en compagnie de Gobbola. Au moment où il lui serre la main, Gobbola abat Roma. Tous ses hommes sont ensuite abattus à la mitraillette. |
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12 |
Magasin de fleurs de Gobbola | Ignace Dollfoot Betty Dollfoot Gori Gobbola Arturo Ui |
Betty essaie de convaincre son mari que, Roma étant mort, Ui est devenu inoffensif et fréquentable. Elle n'y arrive pas. Arrivent Ui et Gobbola. Ui s'efforce d'amadouer Dollfoot, et lui demande à demi-mot que ses journaux évitent d'évoquer les crimes commis par ses hommes. Conversation parallèle : Dollfoot /Gobbola (sur les fleurs) ; Ui/Betty (sur le pouvoir et la violence). |
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13 |
Mausolée de Cicero |
Betty Dollfoot |
Enterrement de Dollfoot. Clark et Mullberry reprochent à Gori et Gobbola le meurtre de Dollfoot. Ils sont éconduits. Ils regrettent d'avoir fait appel à Ui. |
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14 | Appartement d'Arturo Ui du Mammoth-Hôtel | Ui Fantôme de Roma Gardes du corps |
Le fantôme de Roma accable Arturo Ui de reproches. | |
15
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La city | Marchands de Chicago Marchands de Cicero Ui Gori Gobbola Clark Betty Dollfoot Gardes du corps |
Assemblée des marchands de légumes de Chicago. Ils se plaignent de Ui et sa bande, mais personne n'ose se révolter. Arrivent ceux de Cicero. Ils ont cédé par peur et attendent que d'autres réagissent. Arrivent Ui, Clark et les autres. Clark annonce la fusion des commerces de Cicero et du trust du chou-fleur. Discours de Ui : Hindsborough est mort, dans son testament "il me nomme son fils" , et les marchands sont maintenant protégés par lui. Après avoir fait parler Betty Dollfoot, il demande un vote "libre" en sa faveur ("Tous ceux qui sont pour Ui, les mains en l'air !"). Tout est au mieux : Ui et les siens peuvent maintenant partir à la conquête d'autres villes. |
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Epilogue | "Vous, apprenez à voir, etc. " |
Martin Wuttke dans La résistible ascension d'Arturo Ui, mise en scène de Heiner Müller, Berliner Ensemble
" Le ventre est encore fécond... " (Epilogue)
Bref résumé
La situation économique n’est pas très bonne à Chicago. Voyant ses revenus baisser, le trust du chou-fleur, dirigé par le très aristocratique Clark, décide de tâcher d’obtenir de l’argent par le biais de subventions de la ville. Pour cela, il lui faut obtenir la complicité du vieil Hindsborough, responsable politique respecté que le trust a toujours soutenu. Mais Hindsborough semble incorruptible. Ayant fait main basse sur la société de transport de Sheet, Clark et ses alliés offrent la moitié des actions de la société à Hindsborough, qui finit par accepter. Il reçoit également une maison de campagne.
De son côté, le chef de gang Arturo Ui cherche à s’immiscer dans le trust. Son heure arrive le jour où un de ses associés lui amène Bowl, ancien collaborateur de Sheet congédié par Hindsborough. Bowl apprend à Ui qu’Hindsborough s’est laissé corrompre et a soutenu contre pots de vin l’attribution de subventions au trust par la ville (lesquelles subventions ont en fait été détournées). Arturo Ui se rend chez Hindsborough, et lui fait comprendre qu’il est au courant de l’affaire et pourrait tout dévoiler. Il parvient de la sorte à imposer sa présence dans le trust. Son projet est en fait de racketter les marchands de choux-fleurs de Chicago, leur imposant une « protection » - lourdement rémunérée - contre de soi-disant violences.
L’ascension d’Arturo Ui commence.
La vérité sur l’attitude d’Hindsborough risque d’être dévoilée lors d’une réunion agitée du conseil municipal. Mais les deux témoins gênants possibles (Sheet et Bowl) sont assassinés par les hommes de Ui, qui assure par là son pouvoir sur le trust.
Il prend maintenant des cours de diction et de maintien ; puis, soutenu par Clark, il harangue les marchands de choux-fleurs de Chicago, dans un discours où se conjuguent démagogie et intimidations. Un marchand qui tente de contester les affirmations d’Arturo voit ses entrepôts brûlés. Au terme d’une parodie de procès, dominé par la violence des hommes de Ui, c’est un innocent, drogué par un médecin comparse, qui sera condamné.
Hindsborough est mourant. Gori et Gobbola, lieutenants de Ui, rédigent un faux testament au terme duquel le pouvoir sur Chicago sera confié à Arturo Ui. Mais les ambitions du gangster dépassent maintenant la ville, – il souhaite s’emparer de Cicero, ville dirigée par Ignace Dollfoot, dont la presse est très sévère à l’égard des méthodes du trust et d’Arturo.
Les tensions sont vives entre les trois lieutenants de Ui : Gori, Gobbola et Roma. Roma sera finalement éliminé pour faciliter la conquête de Cicero. Les gangsters assassinent ensuite Dollfoot, assurant ainsi à Arturo le pouvoir total sur le commerce du chou-fleur dans les deux villes.
Tout est désormais en place pour la conquête d’innombrables autres cités.
La capitale du Se-Tchouan, qui est à demi européanisée
Prologue
Monsieur Wang, marchand d’eau, a appris que les dieux descendaient sur terre, à la recherche d’une personne bonne. Ils ont choisi le Se-Tchouan pour mener leur enquête. Aux portes de la ville, il voudrait être le premier à les rencontrer.
Les voilà. Fatigués, ils expliquent à Monsieur Wang qu’ils cherchent un gîte pour la nuit. Le marchand d’eau est sûr qu’ils seront très bien reçus chez les puissants de la ville. Il frappe à une porte, une deuxième, une troisième ; il s’adresse à des passants. Chaque fois, il essuie un refus. Finalement, il va trouver Shen-Té, une prostituée qui attend un client. Elle accepte volontiers de recevoir les dieux et leur offre l’abri pour la nuit dans sa petite chambre. Les dieux sont contents d’avoir rencontré cette bonne personne.
Mais, comme Monsieur Wang, Shen-Té n’est pas du tout sûre d’être bonne : elle explique que, pressée par la nécessité, elle ne peut éviter d’enfreindre les règles de la morale. Entendant cela, les dieux se concertent : pour la remercier, et pour l’aider, ils décident de lui remettre une somme d’argent.
Tableau 1
Un petit débit de tabac
Avec l’argent donné par les dieux, Shen-Té a pu acquérir un petit débit de tabac. Arrive l’ex-propriétaire, Madame Shin, qui est pauvre et affamée, – Shen-Té lui donne du riz. Puis un chômeur, à qui elle donne quelques cigarettes. Puis l’ancien logeur de la jeune femme, pauvre lui aussi, accompagné de sa femme et d’un neveu. Shen-Té leur offre le gîte. Puis c’est au tour d’un menuisier, qui vient réclamer son dû : Madame Shin (qui entre-temps s’est esquivée) ne lui a pas payé les étagères qu’il a installées. Il menace Shen-Té de l’huissier. Les anciens logeurs de Shen-Té lui donnent alors l’idée de s’inventer un cousin qui paiera la facture, – demain. Shen-Té invente Shui-Ta. Le menuisier est satisfait.
Se présentent ensuite le frère de la logeuse et sa belle-sœur, enceinte. Shen-Té les accueille chez elle. Puis c’est la propriétaire de la maison, Madame Mi-Tsu, qui se présente avec le bail à signer. Elle demande des références à Shen-Té. Celle-ci ne trouve personne d’autre que Shui-Ta, le cousin imaginaire. Arrivent enfin d’autres membres de la famille de l’ex-logeur : « Grand-Père », le « petit garçon », et « la nièce ». Tout ce monde, « la famille de huit personnes », va maintenant s’installer chez Shen-Té. Ils se servent en cigarettes et se mettent à chanter « la chanson de la fumée », sur la misère des misérables. Le tableau s’achève avec l’arrivée de « la tante » et « les autres ».
Shen-Té conclut :
« La petite barque de sauvetage
Est tout de suite attirée vers le fond :
Trop de naufragés
S’agrippent à elle avidement. «
Intermède
Sous un pont
Monsieur Wang s’est caché sous un pont. Les dieux le retrouvent et lui expliquent que Shen-Té les a aimablement accueillis. Ils le renvoient chez elle afin de l’aider à rester bonne. Quant à eux, ils continuent leur voyage à la recherche d'autres personnes bonnes.
Tableau 2
Le débit de tabac
Réveil de la famille de l’ex-logeur, qui s’est installée chez Shen-Té. Arrive Shui-Ta. La famille se prépare à déjeuner. On envoie l’enfant voler des gâteaux chez le boulanger d’en face. Shui-Ta explique que Shen-Té s’est absentée, et qu’ils vont devoir quitter les lieux. Le menuisier se présente alors pour endosser sa dette, menaçant d’emporter les étagères. Mais Shui-Ta refuse de payer les 100 $ qu’on lui réclame. Il préfère voir partir les étagères. Le menuisier, désespéré, accepte finalement de n’être payé que 20 $.
Shui-Ta explique ensuite à nouveau à la famille qu’elle doit quitter les lieux. Essuyant un refus, il engage la conversation avec le policier de faction dans la rue et le fait entrer, de sorte que l'agent finit par être témoin du retour de l’enfant voleur. Toute la famille est emmenée au poste et quitte ainsi la maison.
Arrive la propriétaire, qui exige le paiement anticipé d’un semestre de loyer, et réclame 200 $. Shui-Ta essaie de négocier, en vain. Mais la propriétaire change d’avis lorsqu’elle voit le policier remercier Shui-Ta pour son aide, et proposer une solution pour Shen-Té : qu’elle se trouve un mari. Le policier rédige alors une annonce matrimoniale qu’il remet à Shui-Ta.
Tableau 3
Le soir au parc municipal
Un jeune homme cherche un arbre pour se pendre. Arrivent deux prostituées, dont la nièce de « la famille de huit personnes ». Puis Shen-Té passe : elle se rend chez le veuf avec lequel il est prévu qu'elle se marie. Elle fait connaissance avec le jeune homme, un aviateur en chômage, qui n’a ni bu ni mangé depuis deux jours. Ils se racontent qui ils sont. Il pleut.
Le marchand d’eau arrive, et chante «la chanson du marchand d’eau sous la pluie ». Il converse avec Shen-Té, qui veut lui acheter de l’eau, malgré la pluie. C’est pour l’aviateur qu’elle achète cette eau.
Intermède
Le gîte de Wang dans un conduit d’égoût
Le marchand d’eau, en rêve, cause avec les dieux. Il leur explique combien Shen-Té est bonne avec tous. Il leur parle du cousin. Apprenant que celui-ci n’a pas payé le menuisier, les dieux se fâchent : il faut régler ses dettes. Et pourtant : le cousin est un homme d’affaires honorable. Mais « les affaires n’ont rien à voir avec une vie honnête et digne », disent les dieux. Ils s’en vont, fâchés.
Tableau 4
La place devant le débit de tabac de Shen-Té
Madame Shin et la belle-sœur se plaignent que Shen-Té « s’absente des nuits entières ». Monsieur Shu-Fu le barbier sort de son échoppe en chassant Monsieur Wang qui cherche à vendre de l’eau. Il le frappe violemment sur la main. Arrive Shen-Té, amoureuse : elle vient de chez Sun. Elle distribue du riz. Shu-Fu la trouve belle.
Shen-Té achète un châle chez le vieux marchand de tapis. Le vieux et sa femme sont « de bonnes personnes » : ils prêtent à Shen-Té les 200 $ qui lui permettront de payer son prochain loyer. On encourage Monsieur Wang à aller chez le juge pour dénoncer le barbier, mais personne ne veut témoigner. Shen-Té se fâche : « On fait violence à votre frère, et vous fermez les yeux ! », et décide alors de faire un faux témoignage.
Arrive la mère de Sun l’aviateur. Il a besoin de 500 $ pour pouvoir voler à nouveau. Shen-Té lui donne les 200 $ qu’elle vient de recevoir. Pour le solde, elle vendra son stock de tabac.
Intermède
Devant le rideau
Tout en se déguisant en Shui-Ta, Shen-Té chante la « Chanson de la vulnérabilité des dieux et des bons « . Impossible de rester bon en ce monde si on veut manger à sa faim. Pourquoi les dieux n’imposent-ils pas un ordre juste par la violence ?
Tableau 5
Le débit de tabac
Madame Shin fait part à Shui-Ta de ses inquiétudes quant à la relation entre Shen-Té et Sun, d’autant plus que le riche Shu-Fu éprouve de l’inclination pour la jeune femme. Sun arrive, Madame Shin part se cacher.
Sun veut vendre la boutique en échange des 300 $ dont il a besoin. Son but est de soudoyer un chef de hangar dont l’intervention lui permettrait d’être engagé comme pilote. Il prendrait la place d’un père de famille qu’on accuserait d’une faute quelconque. Sun n’ignore pas que la vente de la boutique va ruiner Shen-Té. Shui-Ta accepte le principe de cette vente. Arrive Madame Mi-Tsu. Shui-Ta voudrait vendre la boutique pour 500 $, ce qui lui permettrait de rembourser le prêt qu’ont accordé les vieux marchands. Mais Sun n’en a cure et accepte la vente pour 300 $.
Shui-Ta/Shen-Té comprend que Sun veut partir pour Pékin sans elle et l’abandonner ici, seule et sans ressource. Shui-Ta insiste pour récupérer les 200 $ ; mais Sun se fait fort de convaincre Shen-Té, qu’il sait éperdument amoureuse, en faisant appel à "l'aiguillon de la chair".
Sun sorti, Shui-Ta se désole : l’amour est un malheur, qui rend ses victimes vulnérables et met en péril leur survie. Madame Shin part chercher le barbier amoureux de Shen-Té, qu’elle veut mettre au courant de la situation. . Apprenant que celle qu’il aime est en train de tout perdre par excès de bonté, le barbier Shu-Fu offre de mettre ses maisons à sa disposition pour qu’elle puisse accueillir les sans-abris.
Wang et le policier arrivent alors, pour arrêter Shu-Fu. Ils veulent que Shen-Té témoigne, mais Shui-Ta leur annonce qu’elle ne le fera pas, n’ayant pas été témoin des faits. Le policier déboute Wang, l’accusant d’escroquerie et de diffamation.
Après leur départ, Shu-Fu s’assure que la relation entre Shen-Té et Sun est bien terminée. Sortie de sa cachette, Madame Shin le félicite pour ses fiançailles.
Arrive Sun. Shui-Ta est redevenu(e) Shen-Té. Furieux quand il apprend ses fiançailles, Sun a tôt fait de la reconquérir : elle abandonne Shu-Fu et part à la suite de celui qu’elle aime.
Intermède
Devant le rideau
Shen-Té est en toilette de mariée. Elle explique : elle a promis aux vieux marchands de tapis de leur rendre maintenant l’argent prêté. Elle s’effraie de ce qu’elle fait. Mais elle ne peut pas résister à Sun. Et finalement, pourquoi pas ? Les dieux veulent qu’elle soit bonne aussi pour elle-même. En plus, elle sait que Sun l’aime, et qu’il aura pitié des deux vieux quand il saura leur situation. Sur le chemin de la noce, elle « hésite entre la crainte et la joie ».
Tableau 6
L’arrière-salle d’un restaurant bon marché dans le faubourg
Mariage de Sun et Shen-Té. Sun et sa mère sont inquiets car Shen-Té ne veut pas vendre la boutique. Il faut absolument que Sun ait les 500 $.
On boit du vin, en attendant Shui-Ta qui ne vient pas. Le bonze qui doit célébrer la noce s’impatiente.
Shen-Té essaie de convaincre Sun de rester dans la ville et de vendre du tabac, mais lui refuse de vivre dans cette ville « de canassons ». Il attend Shui-Ta et les 300 $. Shen-Té lui annonce que Shui-Ta ne viendra pas. Le désaccord persiste entre Shen-Té et Sun sur la somme à rembourser. Le bonze, las d’attendre, s’en va. Il n’y a plus de vin, tout le monde quitte les lieux.
Sun chante « la chanson de la Saint-Glinglin ».
Intermède
Le gîte de Wang
Rêve de Wang. Les dieux apparaissent. Wang parle d’un livre qu’il a lu, où les arbres d’un bosquet sont condamnés à mort à cause de l’utilité. De son histoire il conclut : « Le plus méchant, c’est le plus humain ». Il se désole que Shen-Té soit condamnée à échouer dans son amour parce qu’elle est trop bonne.
Wang voudrait que les dieux interviennent pour remettre de l’ordre. Mais pour eux, il n'en est pas question : ce serait trop dangereux, et puis la souffrance peut être rédemptrice. Tension entre les dieux. Le troisième propose quand même d’aider Shen-Té. Mais non disent les autres, car souffrir purifie l'être humain. Shen-Té est en tout cas leur seul espoir, car ils ne parviennent pas à trouver de personne bonne, et en plus ils sont mal logés.
Les dieux refusent donc d’aider Wang. Aagir pour changer le monde n'est pas dans leur projet : ils sont des contemplatifs, convaincus que « sur cette terre de ténèbres, notre bonne personne trouvera sa voie ». Ils disparaissent.
Tableau 7
Une cour derrière le débit de tabac de Shen-Té
Madame Shin se demande comment Shen-Té va vivre maintenant, sans mari ni domicile. Elle s’étonne de voir le pantalon de Shui-Ta sécher sur un fil. Arrive Monsieur Shu-Fu qui se désole du naufrage de la bonté, couvre Shen-Té de compliments et lui remet un chèque en blanc. Madame Shin ne comprend pas qu’elle n’encaisse pas tout de suite le chèque, qu’elle ne se marie pas avec Shu-Fu, et qu’elle continue à excuser Sun (« Tout ça vient de la misère », dit Shen-Té pour excuser Sun).
Soudain Shen-Té est prise d’un vertige, – elle est enceinte. Elle présente son fils au public, puis lui fait découvrir le pays. Ils volent des cerises.
Arrive Monsieur Wang, qui confie à la jeune femme un enfant du menuisier, lequel est maintenant ruiné. Shen-Té lui annonce que cet enfant habitera, comme elle, dans une baraque de Shu-Fu. Elle donne sa voiture à Wang, pour qu’il puisse se payer le médecin. Un couple qui était présent à l’inauguration du magasin arrive et poursuivi par la police, il confie à Shen-Té le seul bien qui lui reste, trois ballots de tabac. Shen-Té accepte de les stocker, malgré le risque que cela présente.
Puis elle voit le fils du menuisier chercher de la nourriture dans la poubelle. Le sort des enfants pauvres la met en colère, et elle prend le public à partie. Désormais, elle ne sera plus bonne que pour son fils, et dure avec les autres.
Elle pénètre dans le débarras pour se transformer en Shui-Ta. Arrivent la belle-sœur, le grand-père et le sans-travail, avec Madame Shin. Celle-ci se plaint des maisons de Shu-Fu, qui sont pourries, et commente sans pitié la ruine de Shen-Té.
Monsieur Wang arrive avec le menuisier. Ils remercient l’enfant qui a demandé un toit à Shen-Té.
Arrive Shui-Ta. Il annonce que les maisons de Shu-Fu ne sont pas libres, et que le menuisier ni ses enfants ne pourront y loger. Ni non plus la belle-sœur et les autres. S’ils veulent un logement, il faudra qu’ils travaillent pour Shen-Té : ils devront fabriquer du tabac, à partir des trois ballots. La belle-sœur refuse.
La propriétaire arrive. Shui-Ta ne veut plus vendre la boutique à Madame Mi-Tsu. Il n’a plus besoin des 300 $, puisqu’il va encaisser le chèque de Shu-Fu (10 000 $).
La belle-sœur reconnaît les ballots qui étaient les siens. Mais Shui-Ta lui fait comprendre qu’ils sont à lui maintenant, à moins bien sûr qu’elle ne veuille aller au bureau de police… Ils se dirigent tous vers les maisons de Shu-Fu. Madame Shin s’interroge sur la disparition du pantalon de Shui-Ta que Shen-Té avait mis sécher.
Intermède
Le gîte de Wang
Rêve de Monsieur Wang. Il a vu que Shen-Té avait du mal à transporter le « ballot des préceptes ». Il demande aux dieux un petit rabais sur les préceptes. Mais les dieux refusent : ce qu’il propose comme amendement serait pire encore, selon eux.
Tableau 8
La fabrique de tabac de Shui-Ta
Récit de Madame Yang : comment de mauvais garçon son fils est devenu en trois mois un employé modèle.
Elle est intervenue auprès de Shui-Ta pour qu’il pardonne le non-remboursement de la dette et qu’il engage son fils à la manufacture (Flash-Back 1). Un épisode montre Sun venant en aide au menuisier fatigué (Flash-Back 2). Puis lors de la paie, il signale qu’il a reçu un dollar de trop. « Fort et honnête », il se prévaut d’être, en plus, intelligent. (Flash-Back 3). Plus tard, il est devenu un contremaître exigeant et craint. (Flash-Back 4). Un ouvrier chante « la Chanson du huitième éléphant » : le huitième est celui qui fait travailler les autres au profit du maître.
Madame Yang fait l’éloge de Monsieur Shui-Ta, qui a conduit son fils à « travailler honnêtement ».
Tableau 9
Le débit de tabac de Shen-Té
Les vieux marchands de tapis ayant été remboursés, ils cherchent Shen-Té. En présence de Madame Shin, Shui-Ta/Shen-Té a de nouveau un vertige. Madame Shin est au courant de la grossesse. Shen-Té s’inquiète : il ne faut pas que son enfant rencontre Shui-Ta.
Entre Sun, en homme d’affaires. Il voit Shui-Ta dans les bras de Madame Shin et s’interroge : est-il malade ? Sun s’inquiète de la négociation avec Shu-Fu. Les baraques sont trop humides, ce qui n’est pas bon… pour le tabac. La propriétaire, Madame Mi-Tsu, est également difficile à convaincre. Mais Sun possède des arguments efficaces avec la dame (il compte lui « tapoter les genoux »). Shui-Ta n’accepte pas cette stratégie et exige que son employé fasse preuve de « froideur commerciale ». Sun trouve que Shui-Ta est mélancolique quand il pleut.
Arrive Wang, qui, par ce temps, ne vend pas d’eau. Il demande à Shui-Ta l’adresse de Shen-Té, pour laquelle les gens du quartier s’inquiètent, – on ne l’a pas vue depuis 6 mois. Ils pensent qu’elle n’est pas partie, car on retrouve à nouveau du riz devant sa porte. Wang évoque la grossesse de Shen-Té, Sun est stupéfait. Shen-Té entre dans le débarras. Sun, au public, manifeste sa réprobation de l’attitude de Shui-Ta à l’égard de Shen-Té. Entendant des sanglots dans le débarras, il pense que Shui-Ta séquestre sa cousine.
Shui-Ta sort du débarras : il écoute la pluie, voudrait entendre un avion, mais il pleut trop fort.
Sun fait part à Shui-Ta de ses soupçons et réclame le pouvoir dans la firme. Il menace de venir fouiller le débarras avec la police. Inquiet pour Shen-Té, il voudrait la tenir dans ses bras. Il sort.
Entre la propriétaire, visiblement éprise de Sun, et Shu-Fu, qui exige de revoir Shen-Té. Shui-Ta lui promet qu’elle sera de retour, dans trois mois. Il a besoin de l’accord de Shu-Fu pour développer la manufacture : Shu-Fu ne le donnera pas avant le retour de Shen-Té. Quant à Madame Mi-Tsu, elle ne donnera ses locaux pour l’entreprise que si Shen-Té lui cède Sun, son fondé de pouvoir. Shui-Ta accepte. Shu-Fu est ravi. Shui-Ta annonce la création de 12 belles boutiques.
Entrent Sun, Wang et le policier. Suite à la dénonciation de Sun, qui dit avoir entendu un sanglot, le policier veut visiter le débarras. Il est vide. Mais Sun voit le baluchon de Shen-Té sous la table. Wang montre à la foule les vêtements de la jeune fille. La foule accuse « le roi du tabac qui a assassiné Shen-Té et l’a fait disparaître ». Shui-Ta est emmené au poste.
Intermède
Le gîte de Wang
Rêve de Wang. Conversation avec les dieux, épuisés et mal en point. Wang leur apprend que Shen-Té a disparu. Il pense que son cousin la retient prisonnière. Les dieux expriment leur désespoir : « Partout misère, bassesse et abandon. (…) Même le paysage nous a abandonnés ». Il faut renoncer à la morale, le monde est inhabitable, les hommes ne valent rien. Finalement, le premier dieu rappelle à l’ordre ses congénères : une seule bonne personne suffit . Ils repartent à sa recherche.
Tableau 10
Salle de tribunal
Le procès de Shui-Ta.
L’assistance - Wang, le vieux, la belle-sœur - dénonce un procès truqué. Les juges ont été corrompus par la propriétaire et Shu-Fu.
Les juges arrivent : ce sont les trois dieux. Shui-Ta s’évanouit quand il les reconnaît.
Premier témoin : le policier. Témoignage plutôt favorable à Shen-Té et à Shui-Ta. Shu-Fu et la propriétaire prennent également la défense du cousin.
Puis interviennent les témoins à charge : Wang, le menuisier, le vieux couple, le sans-travail, la belle-sœur, la jeune prostituée. Les accusations fusent, Shui-Ta se défend comme il peut et finit par se mettre tout le monde à dos.
Finalement, traqué, épuisé, il demande que tout le monde sorte et avoue aux dieux la vérité. Il enlève son masque. Pour dénoncer ensuite, dans une longue tirade, ce monde où on doit être méchant pour être bon. « C’est moi la méchante personne dont tout le monde ici a rapporté les méfaits ». Le premier dieu veut corriger : « La bonne personne dont tout le monde n’a rapporté que les bienfaits. « Tension chez les dieux. Le premier, qui devient le porte-parole du trio, ne veut pas voir la duplicité de Shen-Té : c’est juste un malentendu, Shen-Té s’en sortira, elle est robuste. Le monde ne doit pas être changé.
C’est trop compliqué : ils repartent sur un petit nuage rose. « Adieu, bonne chance ! « Devant l’effroi de Shen-Té, qui va se retrouver devant tous ses problèmes, ils ont pour seule réponse : « Tu le peux. Contente-toi de faire le bien et tout ira bien ! ». Les dieux repartent : « Qu’elle soit louée, qu’elle soit louée | C’est la bonne âme du Se-Tchouan ! ». Shen-Té est désespérée.
ÉPILOGUE
Un acteur
Ce n’est pas un vrai dénouement, il est trop amer. Les questions ne sont pas résolues. Les acteurs ont besoin du public. Il faut trouver la fin de l’histoire.
Œuvre de John GAY (1685-1732)
Dans la version de Benjamin Britten, adaptée par Elsa Rooke [1].
Ouverture
Le gueux fait l’éloge de son opéra ; on entend l’ouverture.
Il présente ensuite les personnages de la pièce, dans l’ordre : Lucy, son père Lockit, Polly, Madame Trapes, Macheath, Madame Peachum, les hommes de Macheath, puis « ces dames de la Ville », et enfin Monsieur Peachum.
Acte 1
Filch informe son patron Peachum de l’aide que lui demandent plusieurs personnes (Black Moll, Tom Gagg, Betty Sly) sur le point de passer en jugement . Peachum lui fournit les réponses à leur communiquer. Il cherche ensuite qui, dans sa bande, il pourrait envoyer aux assises. Madame Peachum voudrait qu'il épargne ses hommes, qu'elle trouve beaux et braves ; mais Peachum ne veut rien entendre.
Madame Peachum apprend alors à son mari que leur fille Polly a de l’inclination pour Macheath. Peachum est catégorique : il n’est pas question, en tout cas, qu’elle se marie.
Peachum parti, sa femme demande à Filch ce qu’il sait des relations entre sa fille et Macheath.
Arrive Polly : elle explique à sa mère qu'elle "ne donnera pas tout" à Macheath, sachant qu'elle risque de le perdre une fois qu’il aura obtenu ce qu’il désire.
Discussion avec ses parents, qui apprennent qu’elle est déjà mariée (après avoir cédé aux avances de Macheath et « par peur d’être grondée »). La maman défaille, le père cherche une stratégie à adopter. Le problème : Macheath a sans doute plusieurs épouses, il y a donc un conflit à prévoir au moment de l’héritage lorsqu’il sera pendu, et ce sont les avocats qui se rempliront les poches. Les parents proposent à leur fille de dénoncer Macheath (tel est son « devoir filial ») : il sera ainsi pendu, et elle deviendra une riche veuve. Polly ne peut se résoudre à cette trahison, et décide d’aider son mari à s’enfuir (et cela, bien qu'elle sache qu'elle sera malheureuse en son absence).
Entre Macheath (67). Scène d’effusion. Polly l’aime « comme dans les romans ». Et pour lui, « m’arracher à toi, c’est impossible. ». Polly lui apprend que ses parents en veulent à sa vie, et qu’elle et lui doivent provisoirement renoncer à se voir. Séparation déchirante.
Intervention du gueux (73), qui explique au public le changement de lieu et présente maintenant la bande de Mackie. On se trouve dans une taverne près de Newsgate. Macheath met ses hommes au courant de son différend avec Peachum, il lui faut donc s’absenter quelque temps. Les hommes se retirent ; arrivent « ces dames de la ville ». Macheath les salue et se prépare à une nuit de plaisirs. Jenny et Betty se mettent à le câliner et l’enlacent, avant de donner le signal à Peachum, venu arrêter le capitaine. Macheath est emmené, tandis que le père de Polly récompense les dames en jetant en l’air une poignée de pièces d’or.
Acte 2
Le gueux présente la prison de Newsgate et houspille le personnel qui doit installer le décor (« Alors, morveux, elle arrive cette prison ? »).
Lockit accueille Macheath dans la prison. Resté seul, Macheath s’inquiète de la présence de Lucy, fille de Lockit, qu'il s'est engagé à épouser. Elle arrive. Il lui promet le mariage, mais elle manifeste sa colère, sachant qu’il est déjà marié à Polly. Macheath jure que ce n’est pas le cas.
Changement de décor. Le gueux insulte à nouveau les techniciens. Il nous emmène chez Peachum et Lockit, occupés à se partager la prime pour la capture de Macheath. Puis les deux hommes se chamaillent (tout en s’appelant « frère ») et se menacent l’un l’autre de dénonciation de malversations. Finalement, ils se réconcilient.
Exit Peachum, arrive Lucy. Son père lui reproche de s’être amourachée de Macheath. Lucy proclame à nouveau sa volonté de sauver celui qu’elle aime. Arrive Polly. Les deux femmes se querellent et finissent par s’insulter. Arrivent les deux pères qui réprimandent brutalement leurs filles, chacun emmenant la sienne. Les deux filles réaffirment leur détermination à aimer Macheath.
Finalement, Lucy revient avec les clés de la prison et délivre celui qu’elle aime.
Acte 3
Lucy doit s’expliquer face à son père. Celui-ci lui reproche de ne pas s’être fait payer pour délivrer Mackie, et lui explique que Polly va maintenant "soutirer le magot" de son mari Macheath pour le faire pendre ensuite. Lucy laisse paraître sa rage contre Polly.
Le gueux nous conduit alors dans la maison de jeu où Macheath retrouve ses hommes après s'être échappé. Puis chez Peachum, où Lockit et lui se partagent un butin. Arrive Madame Trapes, une « cliente », qui les conduit à Mackie contre rémunération.
On est maintenant dans la prison. Lucy, dévorée par la jalousie, se prépare à empoisonner Polly. Celle-ci arrive ; aimable conversation entre les deux femmes, mais Polly refuse la boisson que lui propose sa rivale.
Arrivent Peachum et Lockit, avec Macheath. Les deux filles demandent à leurs pères respectifs d’épargner celui qu’elles aiment. Mais ceux-ci restent intraitables : on conduit Mackie au gibet. La mise à mort, pourtant, est finalement interrompue par l’annonce d’une amnistie générale, au grand dam du Gueux, qui voudrait une fin morale à l’histoire. Macheath retrouve toutes ses femmes, dans l’allégresse unanime. Morale de l’histoire : « The wretch of today may be happy tomorrow ».
[1] Benjamin BRITTEN, L’opéra du gueux, opéra en trois actes d’après John Gay, Arles, Actes Sud, 1999. Cette édition comporte quelques coupures dans le texte du 18ème siècle. Les airs chantés sont intacts. Le personnage du Gueux y est plus développé que dans l’original. Voir note d’Elsa Rooke p. 43.
Pour l’édition originale, voir : John GAY, The Beggar’s Opera (1728), Edited by Br. Loughrey et O. Treadwell, London, Penguin Books, 1986.
Ce résumé est extrait de : Kurt WEILL, Grandeur et decadence de la ville de Mahagonny, Paris, L’Avant Scène Opéra, n° 166, 1995 (pp.8-9).
ACTE I
On recherche Léocadia Begbick, Moïse la Trinité et Fatty le Fondé de Pouvoir. Tous trois sont en fuite.
N° 1 - Fondation de la ville de Mahagonny. Une contrée désertique. Un gros camion délabré tombe en panne. Léocadia Begbick, Moïse la Trinité et Fatty le Fondé de Pouvoir, en route vers les mines d'or de l'Ouest américain, sont contraints de modifier leurs plans. Ils décident de fonder une « ville-piège » paradisiaque.
N° 2 - Rapidement, dans les semaines qui suivent, surgit une ville... Apparaissent Jenny et six filles en quête d'hommes et de dollars.
N° 3 - La nouvelle atteint les grandes villes. Fatty et MoÏse, en bon représentants, vantent les qualités de la vie à Mahagonny.
N° 4 - Les mécontents de tous les continents affluent à Mahagonny. Arrive un groupe de bûcherons de l'Alaska: Jim Mahoney, Jack O'Brien, Bill - surnommé Billy Tiroir-Caisse - et Joe le Loup d'Alaska.
N° 5 - Arrive un certain Jim Mahoney... Jim et ses amis sont accueillis à Mahagonny par les trois fondateurs de la ville. On leur prodigue boissons et filles au meilleur prix.
N° 6 - Jim et Jenny. Un dialogue privilégié se noue entre Jim et Jenny.
No 7 - Toutes les grandes entreprises ont leurs cri§es. Les visiteurs se font rares, les prix chutent. L'insatisfaction règne, malgré le confort apparent.
N° 8 - Tous ceux qui cherchent vraiment sont déçus. Les plaisirs de Mahagonny et l'abondance des biens ne suffisent plus au bonheur de Jim. Il veut partir, mais ses amis le ramènent à Mahagonny.
N° 9 - L'Art éternel. Jack croit avoir trouvé « l'Art éternel », Jim rêve avec nostalgie du monde pur des forêts de l'Alaska. Il constate que Mahagonny n'existe que parce que le monde est mauvais.
N° 10 - Un cyclone se dirige sur Mahagonny. De l'avant-scène surgissent femmes, enfants, animaux, avec des chariots et des bagages. Les lumières s'éteignent, le vent s'élève, la population s'enfuit, prise de panique.
N° 11 - Au cours de cette nuit, Jim découvre les lois du bonheur humain. Tous sont désespérés, sauf Jim, qui proclame l'abolition de tous les interdits. Le mot d'ordre de la ville est désormais: « Fais ce qui te plaît ». Les habitants de Mahagonny s’adonnent à la liesse générale, tandis que le cyclone progresse inexorablement vers la ville.
ACTE II
N° 12 - Au tout dernier moment, le typhon contourne Mahagonny. La ville est sauvée. Les habitants laissent éclater leur soulagement. A compter de ce jour, leur devise devient : «Tout est permis »...
N° 13 - Grande animation à Mahagonny, peu après le grand ouragan. Quelques mois plus tard, Mahagonny connalt la prospérité. Quatre «tableaux de moeurs, illustrent l'abolition des interdits. Dans le premier, intitulé " Se remplir la panse ", Jack mange et mange. . . à en mourir.
N° 14 - Faire l'amour. Second tableau, devant le bordel de Mandelay. Les hommes font la queue. Begbick et Moïse veillent aux affaires.
N° 15 - Se battre. Troisième tableau. Joe le Loup d'Alaska se risque à un combat de boxe contre Moïse la Trinité. Jim Mahoney mise tout son argent sur son ami, en souvenir des jours anciens. Joe tombe, victime d'un K.O. mortel. Moïse a gagné, Jim a perdu sa mise. La foule se disperse, déçue.
N° 16 - Boire. Dernier tableau. Jim n'a plus un sou mais offre une tournée générale. Au plus fort de l'ivresse, il construit avec Bill et Jenny, à l'aide de la table de billard et d'une tringle à rideau, un bateau sur lequel ils « embarquent » pour une traversée mouvementée. Leur fuite illusoire est brutalement interrompue : la Begbick présente sa note à Jim, qui n'a pas de quoi payer. Ni Bill ni Jenny n'acceptent de lui prêter de l'argent. Jim est fait prisonnier, et la vie reprend son cours.
ACTE III
N° 17 - Un jour maudit. Enchaîné à un lampadaire, seul dans la nuit, Jim laisse éclater sa détresse et sa peur du jour prochain.
N° 18 - Les tribunaux de Mahagonny n'étaient pas pires que les autres. Présidé par la veuve Begbick, avec Fatty au banc de la défense et Moïse en avocat général, le procès s'ouvre. Tobby Higgins, accusé de meurtre, est acquitté, puisqu'il a grassement acheté le tribunal. Jim, poursuivi « pour manque d'argent », le pire des crimes à Mahagonny, demande à Bill de lui prêter cent dollars. Celui-ci refuse. Jim est condamné à mort. Rêvant d'une ville idéale, les habitants de Mahagonny croient l'avoir trouvée en Bénarès. Ils apprennent avec effroi qu'elle a été détruite.
N° 19 - Exécution et mort de Jim Mahoney. En compagnie de Jenny, Jim observe un vol de grues. Avant d'être exécuté, il reconnaît que son destin était déjà scellé quand il est venu dans cette ville pour s'acheterde la joie.
N° 20 - Jeu de Dieu à Mahagonny. La fin de Mahagonny est proche. Sous une forme allégorique, il est démontré que l'existence de Dieu, tout comme sa menace de jeter les hommes en enfer, sont inutiles: les hommes sont déjà en enfer. Les habitants de Mahagonny manifestent dans la ville pour leurs idéaux, portant des pancartes. Tandis que sont présentés le corps de Jim et ses effets personnels, la foule envahit la scène et conclut: «On ne peut jamais rien pour personne ».